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assure-t-il, au contraire les choses spirituelles, et voulait les dominer sans y toucher, sans s’en mêler (sic). Il les voulait faire cadrer à ses vues, à sa politique, mais par l’influence des choses temporelles[1]. » — «… A Rome, il y eut des personnes avisées qui le pressentirent, et dirent en italien : C’est sa manière de faire la guerre ; n’osant l’attaquer de front, il tourne l’église comme il a tourné les Alpes en 1796 et Milan en 1800[2]. »

Chasser les Anglais d’Italie, éloigner de Rome le roi de Sardaigne, faire sentir tout le poids de sa colère aux Russes et aux Suédois, qui seuls osaient lui résister encore, telle était bien en effet, au moment qui nous occupe, la préoccupation dominante de l’empereur. Pour atteindre ce but, l’assistance effective du souverain qui régnait à Rome lui était indispensable. Aux yeux du vainqueur d’Austerlitz, rien de plus simple que de se procurer cette assistance par les mêmes voies qui lui avaient servi à imposer ses récentes volontés au roi de Prusse et aux petits princes d’Allemagne. Il suffisait d’agir sur le saint-père comme il avait agi sur eux, par la crainte et par l’espérance, et, comme eux, Pie VII céderait lorsqu’en termes précis on lui aurait bien fait comprendre et pour ainsi dire toucher du doigt les bénéfices de l’alliance et les dangers d’un refus. Aux ambitieuses convoitises de la Prusse, l’empereur venait d’offrir le Hanovre comme un appât irrésistible. Les électeurs de Bavière et de Wurtemberg avaient été facilement gagnés par l’octroi d’un titre royal et l’abandon des provinces conquises sur l’Autriche. Pareilles séductions n’étaient point de mise auprès du saint-père, car, loin de songer à augmenter le territoire pontifical, Napoléon était plus que jamais résolu à garder non-seulement les Légations, mais encore Ancône et les Marches. Aussi bien il était à craindre que le saint-père ne se montrât assez indifférent à des bénéfices purement matériels. Peut-être y aurait-il moyen au contraire de le tenter en lui offrant des avantages tout différens et qui auraient chance d’être plus volontiers acceptés. La nature de l’alliance était clairement indiquée par la force même des choses, et pour tous deux aussi facile à conclure que profitable. A lui, le dominateur de la France et de la plus grande partie du continent européen, appartiendrait le droit exclusif de régler à sa guise les affaires politiques de ce bas monde ; à pie VII, au chef de l’église romaine, reviendrait le droit non moins absolu de prononcer sur les choses de la religion, et de décider souverainement les questions intéressant la foi des catholiques. Ainsi unis, ils seraient

  1. Mémoires de l’empereur Napoléon Ier, tome IV, p. 236.
  2. Extrait des Mémoires de Napoléon Ier, t. IV, p. 236.