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piémontais auprès duquel il était accrédité. il n’aurait pas ignoré non plus que le Vatican ayant été le premier à se plaindre à Saint-Pétersbourg du peu de réserve dont le ministre de Russie avait fait preuve dans l’affaire de M. de M. de Vernegues, cet agent avait reçu de sa cour l’invitation d’être désormais plus circonspect, et depuis lors ne donnait plus aucun sujet de plainte. Telle était, même à cette époque, la circonspection des autorités romaines, qu’elles avaient naguère fait arrêter et sortir des états pontificaux une grande dame anglaise soupçonnée, quoiqu’à tort, de servir d’intermédiaire aux intrigues de la reine Caroline. Malheureusement pour lui, ce n’était pas dans les dépêches de son oncle que Napoléon aurait pu découvrir quelles étaient en réalité les dispositions du saint-siège. Le cardinal Fesch, de plus en plus ombrageux et de plus en plus méfiant, brouillé dès le début avec la plupart de ses collègues du sacré-collège, commençait à être maintenant un peu troublé dans sa conscience de prêtre par le rôle que son neveu lui imposait auprès du Vatican, et, pour se tirer d’embarras, il avait imaginé le plus singulier expédient. Il s’était tout à coup et sans motif avouable ouvertement brouillé avec le cardinal Consalvi. A l’entendre, tous les embarras de la situation provenaient de la mauvaise volonté du secrétaire d’état et de l’ascendant déplorable que ce très puissant ministre ne cessait d’exercer sur l’esprit du faible Pie VII. Un instant même, si nous nous en rapportons à la correspondance de Napoléon, il aurait choyé l’espoir non-seulement de renverser Consalvi, mais aussi de le remplacer comme chef des conseils du Vatican, Du jour où cette bizarre fantaisie se fut emparée de son imagination, les efforts redoublés de l’ambassadeur de France n’avaient plus d’autre but que de ruiner le crédit du secrétaire d’état près du saint-père, ce à quoi il ne réussit guère, et de le perdre dans l’opinion de l’empereur Napoléon, ce qui ne lui fut, hélas ! que trop facile. Pour accomplir cette seconde partie de sa malencontreuse besogne, Fesch était aidé à son insu par de nombreux auxiliaires. Rome en effet était comme inondée à cette époque par une foule d’agens subalternes, la plupart inconnus du cardinal lui-même, qui avaient été chargés par Napoléon de surveiller les démarches de son frère Lucien. Ces obscurs instrumens de la police impériale, recrutés en grande partie par Fouché dans les bas-fonds de l’ancienne tourbe révolutionnaire, ne faisaient que suivre leurs penchans en transmettant sérieusement à Paris les bruits absurdes qu’ils allaient ramasser sans choix aux portes des salons, dans les couloirs des sacristies ou sur les places publiques. Habitué à recourir sans scrupule, à ces méprisables sources d’informations, et, si elles étaient d’accord avec sa passion du moment, trop enclin