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beau-père, Nériglissar[1], qui, quatre ans après, laissa le trône à son fils Labosoarchod, encore très jeune ; mais les grands du royaume, qui voulaient un roi guerrier, se défirent de cet enfant et élurent Nabonetos, le Labynète d’Hérodote (555). Ces révolutions de palais n’avaient rien de favorable à la consolidation de l’empire. Le peuple cependant ne parut guère s’en apercevoir. La machine avait été supérieurement organisée par Nébucadnetzar et continuait de marcher comme d’elle-même. On était en paix avec les Lydiens et avec les Mèdes, les deux seuls peuples assez forts pour inquiéter Babylone. Il n’y avait aucune raison pour que cela changeât, et cependant les Juifs exilés espéraient toujours. C’est que Nébucadnetzar avait bien pu détruire leur ville, les transplanter en Chaldée, brûler leur temple et rendre impossible par là ce culte dans lequel il avait vu sans doute, comme plus tard Antiochus, le soutien réel de leur nationalité ; mais il n’avait pu détruire le vieil esprit d’Israël. L’insaisissable prophétisme se retrouva debout à l’ombre des jardins suspendus et du temple de Bel. Il y eut des voyans sur les bords de l’Euphrate comme sur ceux du Jourdain.

Un surtout, un inconnu, un patriote à toute épreuve, un de ces croyans que rien ne déconcerte, fut pour les Juifs de la captivité l’ange de la consolation et de l’espérance. « Consolez, consolez mon peuple, » telle fut sa devise constante. Faute de savoir son vrai nom, et puisque ses discours font partie du recueil des prophéties attribuées à Ésaïe, les critiques modernes l’appellent « le second Ésaïe. » Ce n’est plus le langage rude et passionné du contemporain d’Achas et d’Ézéchias. Des cordes plus molles et plus suaves vibrent sur sa lyre. Quelque chose de résigné, de soumis, et toutefois de confiant et de serein, se dégage de ses modulations onctueuses. Cet homme se croit né uniquement pour prêter l’oreille aux voix intérieures qui lui disent de la part de Dieu des choses ineffablement douces, et pour les répéter à ses compagnons d’infortune.


« Le Seigneur Jéhovah m’a donné une bouche éloquente — pour fortifier de ma parole ceux qui sont abattus. — Chaque matin, il éveille mon oreille, — pour que j’écoute ainsi qu’un écolier.


Et ailleurs :


« L’esprit du Seigneur Jéhovah est sur moi, — car il m’a oint pour porter une bonne nouvelle. — Il m’a envoyé guérir les cœurs brisés, — annoncer aux captifs la liberté, — aux prisonniers l’élargissement, —

  1. Neryal-ser-uzur, Nergal protège le roi.