Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les vapeurs dorées de l’avenir ; s’il a été détrompé, ce n’est que dans cette région d'au-delà, où la réalité doit être si belle que nos illusions et déceptions terrestres, se ressemblant par leur commune insignifiance, se résolvent dans une même nullité.


IV

Nous prenons désormais congé du premier Ésaïe, sur lequel nous n’avons plus de donnée historique ; mais il nous faut, avant d’arriver au second, résumer aussi brièvement que possible les événemens qui suivirent la mort d’Ézéchias.

Son successeur, Manassé, monté jeune sur le trône, fut entraîné par le parti polythéiste et militaire, que le puritanisme du règne antérieur avait relégué dans l’ombre, mais qui, fort des sympathies secrètes ou avouées de la population superstitieuse, domina de nouveau la situation. Le culte des astres, de Baal, de Moloch, fut réinstallé avec son cortège de rites sombres et licencieux. La persécution sévit contre les prophètes, qui jetaient feu et flammes contre ces abominations. Sennachérib ayant été assassiné par deux de ses fils, Assarhaddon, son troisième fils[1], après avoir vengé son père et rétabli la gloire des armes assyriennes, se vit en état d’exécuter le plan depuis longtemps conçu contre l’Égypte. Manassé fut emmené captif à Ninive et ne revint plus[2]. Son fils Amon suivit les mêmes erremens. Une révolution monothéiste éclata, et Josias monta sur le trône de David.

Le règne de Josias réalisa presque l’idéal de l’orthodoxie mosaïque. Jamais le culte de Jéhovah ne fut plus rigoureusement prescrit, et toute une législation sacerdotale nouvelle fut rédigée pour en assurer la domination exclusive. Pourtant ce règne ne fut pas heureux temporellement. D’abord l’invasion des Scythes inonda pendant longtemps l’Asie occidentale et en particulier la Palestine d’un déluge d’horreurs. Les villes fortifiées seules purent se défendre contre ces affreux pillards. Cette lutte, qui ne cessa que par l’extinction graduelle des envahisseurs, retarda d’une vingtaine d’années la chute de Ninive ; mais, la sécurité à peine rétablie, on vit la ville du Tigre attaquée à la fois par les Mèdes et par les Chaldéens. Elle résistait vaillamment ; son beau fleuve, dont elle était

  1. Asshur-akh-iddina des inscriptions, Assur a donné un frère.
  2. Il est difficile de croire à la conversion et à la restauration de Manassé, événemens racontés par le livre des Chroniques, mais sur lesquels le livre des Rois, garde un silence inimaginable. Cet épisode n’a d’autre fondement que le document apocryphe de l’aveu de tous, intitulé Prière de Manassé.