Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Juda. Les refis d’Assyrie, assez occupés chez eux, ne troublèrent plus de quelque temps la tranquillité du royaume, qui se releva de ses ruines, et fit preuve encore une fois de cette ténacité vivace dont le peuple juif a donné tant d’exemples dans son histoire. Il se peut que le prophète, déjà vieux à cette époque, ait cru voir se lever l’aurore des beaux jours qu’il avait prédits, et dont la perspective l’avait toujours soutenu au milieu des amertumes et des angoisses de sa carrière agitée.

Les malheurs des temps, à son point de vue, m’avaient été, n’avaient pu être que des châtimens devant purifier, non détruire le peuple d’Israël. Un « reste » » devait survivre à tout, se convertir et donner naissance à un peuple de saints qui n’adorerait plus d’autre Dieu que Jéhovah, — dont les chefs exerceraient la justice, prendraient soin des misérables, et qui vivrait dans la joie et l’abondance. Cet Israël régénéré rétablirait le royaume de David dans ses anciennes limites. Il serait capable de tenir tête à l’Assyrie. Les déportés dans les régions lointaines reviendraient, et il n’y aurait plus de schisme entre Ephraïm et Juda. Jérusalem, la ville imprenable, deviendrait la capitale religieuse des peuples. Le temple verrait accourir les Tyriens, les Assyriens et les Égyptiens, s’empressant d’apporter leurs offrandes à Jéhovah. Un descendant de David régnerait sur ce royaume dans tout l’éclat de la puissance et du bonheur. C’est surtout dans les premières prophéties qu’Ésaïe insiste sur ce point. Dans les dernières, il semble que son messie idéal prend insensiblement les traits d’Ézéchias.

Inutile de dire que la réalité devait bien mal répondre a ces espérances patriotiques et religieuses. S’il faut en croire le dernier trait que la tradition biblique rapporte du prophète, ses spéculations enthousiastes auraient été assombries par un pressentiment sinistre. Ézéchias, qui cherchait partout des alliés contre l’Assyrie, reçut un jour une députation envoyée par Mérodac-Baladan, chef des Babyloniens insurgés, qui, lui aussi, désirait nouer des relations avec les ennemis lointains de Ninive. Le roi de Juda, désireux sans doute de donner à ses hôtes une grande idée de sa puissance, étala devant eux tout ce qu’il possédait de richesses, Ésaïe fut consterné, prétend la tradition, et eût comme une vision anticipée des malheurs sans nom que Babylone infligerait un jour à Jérusalem. Le roi Ézéchias fut très attristé de cette prédiction, mais il se consola par l’idée que tout cela pourtant ne viendrait qu’après lui. On se plaît à croire que cette tradition n’a d’autre réalité à sa base que l’antipathie bien connue d’Ésaïe pour les alliances étrangères, quelles qu’elles fussent. Le vieux prophète aurait trop souffert, s’il eût vu en esprit crouler le superbe édifice que sa foi avait élevé