Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dernier pensa qu’il fallait en finir avec cette population remuante qui, d’un moment à l’autre, pouvait ouvrir aux Égyptiens une route menant droit au cœur de son empire. D’ailleurs ; il voulait avoir à tout prix Tyr et la Phénicie, et même ce fut contre ce pays qu’il marcha en premier lieu. Les villes phéniciennes de terre ferme, plus habiles au négoce qu’à la guerre, se soumirent assez facilement ; mais Sargon se vit arrêté par Tyr insulaire. Un peuple marin et commerçant, fier de son opulence, certain de sa supériorité sur mer, et sachant par expérience les avantages que sa marine lui assure contre une puissance continentale, a souvent une haute idée de sa force de résistance. Sargon eut l’humiliation d’assiéger inutilement la ville marchande pendant cinq ans. C’est en vain qu’il lui coupa toute communication avec la terre, se figurant qu’à défaut de la famine il la prendrait par la soif, en vain qu’avec une flotte stipendiée il appuya la révolte des Cypriotes insurgés contre la suzeraineté tyrienne. Sa flotte fut détruite par les courageux marins de Tyr, et il dut abandonner la partie ; lais il se vengea sur Samarie la capitale d’Éphraïm, dont le roi et le peuple étaient probablement encouragés à la sécession par l’exemple de Tyr, et qui succomba en 719 après un siège de trois ans soutenu avec un courage digne d’un meilleur sort. Hosée finit ses jours en prison, presque toute la population fut déportée au loin, remplacée par des colons venus des districts de l’Euphrate, et le royaume d’Israël disparut de l’histoire.

Les premières années du règne d’Ézéchias furent donc signalées par les terribles événemens qui s’accomplirent dans les régions limitrophes de son royaume. L’écho de ces événemens retentit dans les prophéties d’Ésaïe. le prophète regardait toujours les Assyriens comme les exécuteur des divines vengeances. Par conséquent leurs victoires continuelles n’avaient rien qui le surprît, et il les prédisait en toute sécurité. Dans cette persuasion, il annonça la dépopulation du royaume du nord, la chuté de Samarie et même celle de Tyr. Sur ce dernier point pourtant son regard prophétique fût en défaut. Il n’avait pas suffisamment calculé la force de résistance de la cité maritime[1] mais sur tout le reste ses prévisions furent

  1. Voir le chap. XXIII. On a voulu sauver l’infaillibilité d’Ésaïe en appliquant sa prophétie au siège finalement heureux que le roi chaldéen Nébucadnetzar dirigea cent trente ans plus tard contre Tyr ; mais Ésaïe était mort depuis un siècle au moins quand ce second siège eut lieu, et la prophétie décrit un fait contemporain. Tyr ne fut pas détruite par le Chaldéen, comme le prophète prétend qu’elle va l’être, et de plus il mentionne les Chaldéens (v. 13) comme un peuple soumis aux Assyriens et faisant la guerre sous leurs ordres. Ce dernier trait suffit pour démontrer qu’il ne peut être question de Nébucadnetzar.