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Ézéchias. Voici quelle était alors la situation politique du royaume de Juda.

Le schisme provoqué par le despotisme de Salomon et l’entêtement de son successeur avait produit ses fruits amers. Les Hébreux étaient divisés sans espoir de réconciliation : la maison de David, toujours populaire dans le royaume du sud ou de Juda, luttait péniblement contre les rois Israélites du nord et eût probablement succombé sous leurs coups, si les troubles fréquens du royaume dissident et surtout les dangers incessans dont les Syriens menaçaient son indépendance n’eussent affaibli sa puissance guerrière. Parfois même l’appréhension commune d’Éphraïm et de Juda en face du Syrien, réveillant les souvenirs de l’antique fraternité, avait réuni les fils de Jacob dans des alliances momentanées, toujours peu heureuses ; mais la situation devint très grave pour la dynastie davidique le jour où les Syriens et les Ëphraïmites (ou Israélites du nord), oubliant leurs sanglantes rivalités, s’avisèrent de se coaliser contre le royaume de Juda et de s’agrandir ensemble à ses dépens.. C’est en vue des dangers résultant d’une pareille coalition que le prophète Ésaïe fit entendre les plus anciennes prédications qui nous soient parvenues de lui.

Le roi Yotham, fils et successeur d’Ozias et régent du royaume pendant les dernières années du règne de son père, devenu lépreux, le roi Yotham avait eu en somme un règne prospère et glorieux. Son père lui laissait le royaume en bon état. Il rendit tributaires les Ammonites, favorisa beaucoup le commerce et la navigation sur la Mer-Rouge, agrandit et embellit le temple, fortifia sa capitale, et, bien qu’assez indifférent lui-même en fait de religion, vécut en bons termes avec le parti prophétique, qu’il semble avoir beaucoup ménagé. Il est à présumer que la prospérité dont le peuple de Juda jouit sous son règne, ayant comme d’habitude développé le goût du luxe et des jouissances, ne fut pas toujours vue d’un très bon œil par les austères censeurs que l’esprit de Jéhovah suscitait parmi les croyans. Du moins nous trouvons dans les plus anciennes prophéties d’Ésaïe une charge très sévère contre « les filles de Sion, ». qui marchent en se rengorgeant, lançant des regards de tous côtés,


Faisant de leurs pieds nus craquer les anneaux d’or,


et parées d’une foule de hochets énumérés avec indignation par le sévère prédicateur. Ceux qui seraient curieux de savoir en quoi consistait la toilette d’une élégante de Jérusalem au VIIIe siècle avant notre ère doivent lire la fin du chapitre III du livre d’Ésaïe. Ils y verront que les jeunes Juives rehaussaient leur beauté en ajustant des bracelets à leurs chevilles, des anneaux à leur nez, en portant