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large : sein blanc à un enfant chétif qui y boit la vie avec ardeur, tandis qu’une pauvre femme couverte de sombres baillons regarde cette scène avec une jalouse admiration, c’était là un thème fort heureux que le peintre a très bien fait de choisir, et dont il a su se tirer à son honneur. Les étoffes sont peut-être trop chiffonnées de parti pris, mais c’est là une incorrection sans gravité et qui disparaît vite devant l’impression générale, qui est profonde et durable.

Une impression semblable est produite par un tableau d’un tout autre ordre, mais où cependant les colorations blondes et sans violence préméditée dominent malgré le sujet, qui conviait à toute sorte d’exagérations. La Route entre Solferino et Vallegio le 24 juin 1859 est l’un des bons tableaux de bataille qu’on puisse voir. L’auteur, M. Franz Adam (Bavière), n’a rien cherché d’épique ni de convenu ; il n’y a là ni lutte corps à corps, ni soldat mourant enveloppé du drapeau, ni général caracolant au milieu de la fumée, ni fantaisie, ni fantasia. Il y a mieux que cela : une action très simple, parfaitement vraie, observée sur nature et rendue avec sincérité. On peut reprocher à M. Franz Adam quelques faiblesses dans le modèle ; mais l’habileté de la composition, l’agencement des lignes, l’ordonnance très bien comprise des groupes, la fermeté de l’aspect général et la précision de l’ensemble font vite oublier les petites maladresses de l’exécution. Tout ce qui est du métier s’apprend et devient absolument secondaire en présence d’une façon ingénieuse de comprendre les principes de l’art et de les expliquer.

En Prusse, M. Menzel expose un grand tableau qui représente Frédéric II dans la nuit dit 14 octobre 1758, à ce dur combat de Hochkirchen, où il donna de sa personne avec une constante et inutile intrépidité. On sent dans cette toile du mouvement et du dessin ; mais elle est placée si haut, dans des conditions de lumière si défavorables, qu’il est presque impossible d’en saisir les détails ; tout ce que nous pouvons dire, c’est que la confusion d’un combat de nuit est bien rendue, que le peintre a usé avec adresse des ressources de coloration que lui fournissait l’opposition d’un incendie lointain enlevé sur un ciel obscur, et que les soldats ont le diable au corps comme il convient. Nous devinons une certaine puissance dans cette composition, et nous regrettons de n’avoir pu l’étudier d’une façon plus certaine. Le Banquet des généraux de Wallenstein à Pilsen en l634 est de M. Jules Schottz (Saxe), c’est un tableau de genre-histoire dans lequel l’artiste a cherché par la coloration un effet gai et luisant qu’il a obtenu. Les nuances sont un peu tapageuses, mais l’habile distribution des groupes donne de l’air et de la vie à la composition, qui n’était pas sans difficultés et sans périls. Les physionomies ont été étudiées avec patience, et tiennent