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secondaires avec lesquels il a le plus d’affinité, tels que Terburg, Metzu et Pierre de Hoog, il aurait remarqué avec quel soin ils veillaient à éviter la monotonie que l’uniformité des poses inflige forcément à l’ordonnance d’une œuvre plastique. Une scène d’intérieur, si insignifiante qu’elle soit, doit être composée aussi bien que ce que l’on nomme prétentieusement une page d’histoire. Il suffit d’avoir vu les portraits peints par M. Ingres pour reconnaître avec quel respect de son art et du modèle il les composait. Par cette négligence ou ce dédain, M. Willems compromet un talent fort agréable et diminue l’intérêt que ses toiles pourraient inspirer.

Les mêmes reproches s’adressent à M. Alfred Stevens ; chez lui, la stérilité d’invention dépasse toutes les bornes. Il peint des robes jaunes, des robes noires, des châles, des chapeaux ; par hasard il y a une femme dedans, mais elle sert à si peu de chose qu’on serait tenté de ne pas s’en apercevoir. Les accessoires sont toujours les mêmes, l’expression est bien souvent nulle, et ces tableaux ressemblent à de belles gravures de mode. Le talent de Mi Alfred Stevens est cependant recommandante, mais l’artiste ne se donne même pas la peine de chercher un sujet ; tout lui est prétexte à peinture ; une femme qui met ses gants, une femme qui ôte son bracelet, une femme qui regarde par la fenêtre, une femme qui lit une lettre ; c’est la même femme ou peu s’en faut. C’est puéril, et il est vraiment douloureux de voir tirer un si pauvre parti de facultés qui devraient conduire beaucoup plus loin et beaucoup plus haut, Ce n’est cependant pas par ces mièvres tableaux que M. Alfred Stevens avait débuté. On eût dit, à voir ses premières toiles, — entre autres Ce qu’on appelle le vagabondage, — qu’il allait devenir un peintre violent, cherchant principalement ses sujets dans les scènes populaires. Sa manière dure et incorrecte rappelait la brutalité intentionnelle de M. Courbet ; la conception de ses toiles faisait penser que M. Alfred Stevens était animé du souffle qui poussait M. Charles Hübner à vouloir fonder en Allemagne une école de peinture socialiste ; on s’était trompé. M. Alfred Stevens est promptement revenu de ses erreurs ; il est aujourd’hui un peintre à la mode, rien de plus ; pour lui, nous avions des ambitions meilleures, et nous persistons à croire qu’il ne tire pas de son talent tout le parti possible,

Autant l’école belge est restée intime et concentrée, autant l’école allemande a cherché avec prédilection les vastes compositions héroïques ; il est difficile de la juger d’après ce qu’elle nous a envoyé à Paris, car ses œuvres les plus considérables, celles qui lui donnent son caractère et son originalité, sont des peintures