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travers de la porte, derrière laquelle on aperçoit les soldats russes immobiles, découvrant sa poitrine, il est dans une attitude indécise malgré ce qu’elle a de violent, et qui aurait dû être plus franchement déterminée. C’est à genoux qu’il fallait le mettre, s’accrochant à la porte, énergique, résumant en lui les protestations futures, et voulant à tout prix empêcher la diète de se dissoudre en la menaçant du bâton de maréchal qu’il avait enlevé, M. Matejko ne l’ignore pas. Il eût été mieux ainsi, plus dans son rôle historique, plus vivant dans la composition, qu’en étant renversé à demi sur le dos, comme un possédé ou comme un homme ivre. Ce que M. Matejko a parfaitement rendu, c’est l’état ambigu de l’aristocratie polonaise à cette époque, ce mélange de respect pour les coutumes nationales et d’imitation pour les coutumes de France, de Russie et d’Allemagne, qui se traduit par les habillemens divers. Ce tableau est une œuvre importante et n’a certainement pas été fait par un artiste médiocre ; mais, s’il dénote des qualités sérieuses, il révèle aussi des défauts graves dont l’auteur peut et doit se corriger. À voir les toiles de M. Matejko et surtout sa façon de comprendre l’histoire, il me semble que le peintre vit dans des horizons trop étroits, qu’il manque de points de comparaison, et qu’il ferait bien d’entreprendre quelque voyage d’exploration en France et en Italie. Le soleil lui manque et aussi la vue des foules actives. Il veut, dans sa peinture, dire trop de choses à la fois ; il arrive à manquer de cette clarté indispensable à toute œuvre d’art, et que bien vite il apprendrait chez nous. En Italie, l’aspect seul des atmosphères limpides lui enseignerait à mettre plus d’air dans ses compositions, la vue des Stanze et du plafond de la chapelle Sixtine lui montrerait l’art de grouper les personnages en les faisant tous concourir à l’action commune. À ses facultés natives, qui sont grandes, M. Matejko pourrait facilement ajouter celles que donnent l’étude et l’observation réfléchie ; il n’aurait alors plus rien à envier à personne et deviendrait réellement un artiste hors ligne. La voie est ouverte devant lui, il faut espérer qu’il aura le courage d’y marcher.


II

Les écoles dont nous venons de parler rapidement sont une suite ininterrompue de la tradition italienne du XVIe siècle, représentée aujourd’hui par l’enseignement français ; aussi presque tous les peintres que nous avons eu à nommer ont traversé les ateliers de Paris, et y ont acquis une bonne partie de leur valeur. Avec l’Angleterre, nous trouvons une race nationale dans l’étroite acception