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avons vu les Salons partout : au Louvre, aux Tuileries, au Palais-Royal, aux Menus-Plaisirs, à l’avenue Montaigne, aux Champs-Elysées ; les voici au Champ de Mars, où ils n’ont jamais été plus mal. Les jeux de paume, les orangeries, le Tattersall, sont des espèces de palais, et le pays de Poussin, de Claude Le Lorrain, de Philippe de Champaigne, de Jean Goujon, de Puget, de Watteau, de David, de Gros, d’Ingres, de Pradier, n’a même pas une galerie consacrée à l’exposition annuelle de ses œuvres d’art ! Pourquoi les artistes ne se réunissent-ils pas pour en faire bâtir une à leurs frais et en avoir la libre disposition ? Ce n’est point difficile, et qui s’y oppose ? M. Courbet le fait bien pour lui-même, et M. Manet aussi, et M. Clesinger aussi. Si les artistes acceptent sans se plaindre la situation qui leur est faite, cela les regarde après tout, et nous ne voulons pas avoir le tort de nous montrer plus difficile pour eux qu’ils ne l’ont été eux-mêmes. Le jury du reste a trouvé immédiatement des compensations, car tous ses membres se sont mutuellement distribué des médailles d’honneur. On ne leur a pas permis, dit-on, de se mettre hors de concours, soit ; ils n’avaient alors qu’à s’engager entre eux à ne voter pour aucun juré. L’exemple eût été donné, compris et approuvé. Puisqu’ils ont été juges et parties en matière de récompense, je regrette qu’ils ne l’aient pas été aussi en matière d’aménagement.

Si nous nous sommes longuement étendu sur ce sujet, ce n’est point pour avoir le stérile plaisir de critiquer inutilement les actes de la commission impériale. Entre ses mains, l’exposition universelle paraît être avant tout une entreprise à laquelle on veut faire produire tout le profit possible. Avec une telle préoccupation dominante, il n’est point extraordinaire qu’on se soit assez médiocrement soucié des beaux-arts ; mais il était fort important de dire que si l’école française ne semble pas tenir au premier abord tout ce qu’elle promettait, la faute n’en remonte pas jusqu’à elle. On lui a infligé des conditions extérieures si déplorables que les apparences, mais les apparences seules, sont contre elle. Quoique la plupart de ses œuvres soient sacrifiées, mal disposées, mal éclairées, elle reste encore la moins incomplète de toutes les écoles qui sont en présence au palais du Champ de Mars.


I

Quatre grandes écoles de peinture dérivant de la renaissance ont laissé une trace ineffaçable dans l’histoire de l’art : ce sont les écoles italienne, flamande y hollandaise et espagnole. La Belgique seule aujourd’hui semble avoir conservé en peinture un