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Irriter au point le plus sensible le sentiment italien, fournir au cabinet de Florence la force de demander à la France des explications, donner lieu à de misérables commérages et rendre nécessaire le retour intempestif de Florence de notre représentant, M. de Malaret.

La conduite de nos relations avec la Prusse soulève les mêmes objections et provoque des critiques semblables. Nous n’y apportons point le sentiment de l’opportunité et la réserve qui conviennent à la dignité de la France. La petitesse d’esprit et l’irascibilité sincère ou jouée du cabinet de Berlin nous doivent être assez connues ; il serait absurde et malheureux d’en provoquer de nouvelles manifestations, il y a deux politiques possibles pour nous dans nos rapports avec l’Allemagne, placée sous la domination prussienne : celle de l’attente pacifique, mais fondée sur de solides et complètes précautions, celle de l’opposition directe et immédiate. Quand même on n’en aurait point laissé passer l’occasion opportune nous ne serions point partisans d’une opposition systématique et déclarée aux transformations dont l’Allemagne est le théâtre. L’intelligence des principes des sociétés modernes proclamés par la révolution française, le sentiment du respect de leur indépendance intérieure, que les peuples se doivent mutuellement, nous interdisent de nous opposer aux changemens que l’Allemagne voudrait dans sa liberté accomplir sur elle-même. Il est encore possible, comme le croient et le professent un grand nombre de libéraux allemands, que les nouvelles évolutions germaniques, aient pour résultat non l’agrandissement d’une puissance essentiellement militaire, mais la formation d’une confédération voulant et sachant se gouverner elle-même, assez libérale et assez robuste pour ne point devenir l’instrument docile des ambitieuses intrigues et des entreprises militaires d’un gouvernement monarchique qui ne serait pas suffisamment contrôlé. L’état d’incertitude où demeurent en France les institutions organiques de la liberté ne nous permettent malheureusement point de nous présenter à cet égard aux Allemands comme exemple et modèle. Nous devons même être assez impartiaux pour reconnaître que les Allemands sont poussés un peu et d’une façon artificielle vers la monarchie militaire de Prusse par l’insécurité que leur cause l’insuffisance du contrôle que notre système politique confère au pays sur les actes du pouvoir exécutif. Cependant, toutes les circonstances étant balancées, nous croyons que la probité et la prudence conseillent à la France d’attendre avec patience l’action du temps et les résultats de l’évolution allemande ; par une résistance qui aurait le caractère de l’égoïsme, du caprice et de la violence, la France s’exposerait à précipiter aveuglément l’Allemagne dans la constitution la plus contraire à ses intérêts et aux nôtres. Mais pour que cette action bienfaisante du temps se puisse produire, il faudrait que le cabinet de Berlin y mît un peu du sien et ne fît pas des affaires de tout, il faudrait qu’il restât à la France le droit de