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Mazzini. Les circonstances où se trouve l’Italie semblent préparées pour fournir à ces hommes un nouveau rôle. Le gouvernement régulier n’a plus de prestige dans ce pays. Les groupes des hommes qui semblaient s’être partagé l’héritage de Cavour ont perdu leur influence éphémère, et sont tombés dans la défaveur publique. Les opinions découragées, et blasées se sont fractionnées. On signalait récemment dans un journal un exemple surprenant de cette décomposition des opinions. La population de Milan, ne compteras plus de 165,000 habitans. Il se publie à Milan plus de quatre-vingt-dix journaux ! Le scepticisme naturellement s’exhale en un mécontentement universel. En Italie comme ailleurs et peut-être plus qu’ailleurs, les dégoûts qu’ont inspirés les politiques gouvernementales ont poussé les hommes qui ont conservé quelque vigueur d’esprit vers les idées radicales et presque républicaines. C’est ainsi que la question romaine, devient le point de ralliement général. Or cette question tend à créer des irritations contre la France, car les Italiens n’attribuent qu’à la France le maintien du pouvoir temporel ; elle suscite les noms de Garibaldi et Mazzini, qui ont placé dans Rome, avec une opiniâtreté que rien n’a pu lasser le couronnement de leur politique. Que préparent, que font Garibaldi et Mazzini ? C’est l’interrogation qui aiguillonne les imaginations italiennes. — Il est certain que ces deux hommes tiennent des ressorts qui pourraient à tout instant surprendre l’Europe par un coup de théâtre. Unis dans la défense de Rome en 1849, Garibaldi et Mazzini ont suivi depuis des marches différentes. Tous les deux ont conservé dans la population romaine une sorte d’autorité par le moyen des comités occultes qu’ils dirigent. La tendance du général Garibaldi, d’un caractère plus soldatesque, plus brutalement hostile, au clergé, a toujours été de travailler, par des irruptions à ce qu’il appelle la délivrance de Rome ; il veut affranchir Rome par une sorte de conquête italienne. Les plans de Mazzipi sont différens. Mazzini. A toujours mêlé le mysticisme à la politique. L’affectation et l’aspiration prophétiques sont en lui. Il veut détruire le pouvoir temporel dans l’intérêt, même du développement religieux de l’humanité. Il croit, comme les catholiques, à une suprématie fatidique universelle de Rome. Il faut à son idée que la liberté soit conquise par les Romains eux-mêmes dans Rome, et que la ville, affranchie par sa spontanéité propre, adopte l’Italie, la marque de son sceau, achève son indépendance en lui apportant son primato. Mazzini en un mot veut, non que Rome soit faite italienne, mais que l’Italie par Rome soit faite romaine. Voilà dans sa quintessence la politique de ce pape d’un autre genre. On fait des légendes de terreur ou de plaisanterie à Garibaldi et à Mazzini. On a souvent exagéré, souvent nié, raillé leur influence. On les a traités souvent comme d’insignifians politiques. Cependant il est de fait qu’il ne se prépare guère de mouvement insurrectionnel d’un bout du monde à l’autre, depuis le Mexique jusqu’aux