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Les questions subsistent, disons-nous. Qu’on en juge par l’exemple de l’Italie. De quelque réserve que le voyage du général Dumont à Rome ait été entouré, il n’y en a pas moins à Rome une légion recrutée de soldats français, et la question romaine n’en est pas moins aujourd’hui en Italie la question la plus brûlante. Peut-être l’organisation et le mode de recrutement de la légion d’Antibes n’ont-ils point été examinés, même par l’opposition en France, avec une rigueur assez scrupuleuse. Cette légion est une chose ambiguë. Il y a la un mélangé singulier d’audace et de timidité. La légion est composée de Français, et elle n’est pas française. Nous en déclinons la responsabilité officielle, nous n’en pouvons repousser la solidarité morale. On a fait cette légion comme on avait fait les emprunts mexicains ! On n’avait pas osé donner une garantie de l’état aux emprunts de l’empereur Maximilien, et l’on excita par tous les encouragemens possibles le public à y souscrire. De même, et la simple expression du fait a l’air d’un paradoxe, on a volontiers pris dans les rangs de soldats liés au service militaire français les volontaires de la légion d’Antibes ! Quelle que soit la piété du but, et quand même on aurait, par des expédiens de procédure, évité la violation de la loi positive, nous ne comprenions pas comment des soldats français ont pu être changés en mercenaires d’une puissance étrangère, fût-elle la plus amie. Il y a là une de ces inconséquences qui créent des situations fausses, et dont on ne peut suspendre longtemps les effets inévitables. Quand même les Italiens seraient pour nous les plus reconnaissans, les plus doux, les plus dociles des alliés, nous ne pourrions nous soustraire aux inconvéniens inhérens à une organisation telle que la légion d’Antibes. Or aujourd’hui ! dans quelles circonstances le voyage du général Dumont à Rome est-il venu ramener sur cette légion l’attention irritée de l’Italie et l’attention fatiguée de la France ?

La question romaine est en ce moment la plus grande préoccupation de l’Italie. Jamais, nous le croyons, elle n’y a tenu une aussi grande place dans l’esprit des chefs politiques et des masses. On devait le prévoir. La nécessité des faits détermine toujours en politique la maturité des idées. Il était évident que le jour où la Vénétie aurait été enlevée à l’Autriche, le jour où les Italiens n’auraient plus à songer à l’hostilité autrichienne, Rome deviendrait l’objet unique, exclusif, absolu de leurs pensées et de leurs efforts. Telle est la combinaison et la passion politique dont va maintenant se nourrir et s’échauffer la vie intérieure de l’Italie. Ce qu’il y a de grave et digne d’observation dans la période qui s’ouvre, c’est que dans l’agitation de la question romaine l’initiative politique peut être enlevée au gouvernement régulier du pays, et être saisie car les chefs d’opinion et les personnalités irrégulières. Ici, au-dessus d’une nation où fermente la fatalité révolutionnaire de l’idée, planent ces curieuses figures de notre temps qu’on appelle Garibaldi et