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De sommes énormes. On serait mal venu de discuter dans un esprit d’économie trop rigide les dépenses dont le but essentiel est le bien-être, l’hygiène, la santé des populations. Toutefois l’objection tombe d’elle-même lorsqu’on l’examine de plus près. Il est constant en effet que la ville récupérera sous forme d’abonnemens et redevances annuelles l’intérêt de l’argent avancé par elle pour la création des aqueducs, réservoirs et tuyaux de distribution, tandis que le public ne paiera point cette eau saine et pure plus cher qu’il ne payait auparavant l’eau de la Seine imparfaitement filtrée et transportée à grand renfort de bras à tous les étages des maisons. Une entreprise de distribution d’eau dans une grande cité est une opérations industrielle avantageuse, puisque des compagnies privées l’ont souvent exécutée avec succès. Le point capital est que le projet en soit conçu sur un bon plan ; les travaux de la ville de Paris ont reçu sous ce rapport l’approbation de juges compétens.

Est-ce à dire que l’ensemble de ces travaux soit à l’abri de tout reproche ? Il est aisé d’indiquer des améliorations importantes, que l’avenir exigera, bien qu’au temps présent elles puissent être regardées comme superflues. D’abord, en ce qui concerne les eaux de source, on peut regretter qu’elles aient été recueillie à une trop faible distance de Paris et dans une région dont on a contesté, — à tort nous aimons à le croire, — les aptitudes salutaires. L’alimentation n’emprunte pas ses ressources, comme en d’autres villes de premier ordre, à des rivières d’une propreté suspecte ; mais elle n’est pas basée non plus, ainsi qu’on en trouve des exemples bien dignes d’être imités, sur les eaux cristallines, en quelque sorte virginales des terrains primitifs. Elle est due à des sources soumises dans une faible mesure assurément, mais enfin soumises aux variations estivales au lieu d’emprunter à des lacs d’un niveau constant un débit invariable. Eût-il mieux valu prolonger les aqueducs au-delà des terrains crayeux jusqu’aux couches du calcaire jurassique ou dépasser même les bornes du bassin de la Seine, imiter en un mot, dans des conditions en apparence moins favorables, le projet anglais qui consiste à conduire à Londres, les eaux du pays de Galles ? Mais on s’étonnait déjà que les ingénieurs allassent, quand la Seine est si proche, chercher d’obscurs ruisseaux à quarante lieues de distance ; le public eut compris moins encore futilité d’aller deux ou trois fois plus loin. Cependant, si la solution adoptée est préférable en ce moment-ci, il n’est pas dit qu’elle paraîtra telle dans quelques années.

Si l’organisation présente du service hydraulique donne prise à la critique, c’est plutôt par les emprunts considérables qu’elle fait encore à la Seine et à la Marne, et par les moyens artificiels