Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/1046

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fâcheuse n’a d’autre cause que la crainte d’épuiser trop vite ce que les moyens actuels ; de distribution permettent d’offrir au public. Pour que le système fût changé, il faudrait que l’on pût disposer de sources inépuisables dont les eaux arriveraient à domicile par leur propre poids. Ces sources pures et abondantes dont le besoin est si vivement senti, on croit les avoir découvertes à soixante lieues de Londres, dans les montagnes du pays de Galles, On a émis l’idée de recommencer pour la capitale de l’Angleterre et sur une plus large échelle ce qui s’est fait pour Glasgow, ville de 485,000 âmes. Cette cité était arrosée jadis par les eaux troubles de la Clyde, que des machines refoulaient dans des réservoirs et des tuyaux de distribution. Comme ce liquide était toujours trop chaud, ou trop froid et que l’on n’était pas parvenu à le purifier, le corps municipal entreprit d’amener en ville les eaux du lac Katrin par un canal souterrain de 40 kilomètres de long. Il y arrive maintenant 60,000 mètres cubes d’une eau que l’hydrotimètre a prouvé être de qualité supérieure. L’ingénieur qui a exécuté la dérivation du lac Katrin propose d’exécuter pour Londres un travail analogue. Cet ingénieur est M. Bateman, qui se vante d’avoir établi déjà des distributions d’eau pour une population de 2 millions d’individus, tant à Glasgow et à Manchester qu’en d’autres localités de moindre importance, et qui possède par conséquent une expérience consommée en ce genre d’entreprises.

La région montagneuse dont il est question d’absorber les sources au profit des habitans de Londres est située sur le versant oriental, du pays de Galles, au pied des monts Caderidris et Plynlimmon, et comprend le bassin supérieur de la rivière Severn. Autant les eaux de cette rivière sont sales lorsqu’elles se jettent dans le canal de Bristol après avoir recueilli les déjections des villes assises sur ses bords, autant les sources supérieures qui l’alimentent sont pures, claires et fraîches. Le projet de M. Bateman consiste, à barrer par des digues transversales plusieurs vallées qui seraient transformées en lacs artificiels. Ces approvisionnemens considérables sont nécessaires, car le débit des sources est très faible pendant l’été. La prise d’eau étant à une grande hauteur au-dessus du niveau de la mer, l’aqueduc se déroulerait avec une pente régulière dans la vallée de la Severn, inclurait le faîte peu élevé qui sépare cette vallée de celle de la Tamise, et viendrait se déverser près de la capitale en des réservoirs d’une altitude telle que l’eau pût se distribuer dans toute la ville jusqu’au sommet des maisons par le seul effet de la pesanteur. C’est à peu près comme si l’on proposait d’amener à Parte, les sources de la chaîne des Vosges. M. Bateman estime que la création de ce fleuve artificiel coûterait 215 millions de francs, et