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Sauf réserve convenable pour les besoins publics, il est digne d’attention, qu’en France, par une tendance contraire, on en soit venu sans trop de raison à considérer les eaux d’une ville comme un domaine imprescriptible et inaliénable que l’autorité ne doit jamais abandonner, autrement qu’à titre temporaire. Dans notre pays même, le système des concessions perpétuelles a cependant été appliqué une fois au moins, car les sources de Royat, qui alimentent depuis longtemps Clermont-Ferrand, ont été aliénées partiellement à prix d’argent.

Arrivant à des temps plus modernes, nous verrons presque toutes les grandes villes, même celles qui sont assises sur les bords d’un fleuve, s’imposer de lourdes dépenses pour distribuer à toute l’étendue de leur territoire des eaux fraîches, saines et agréables à boire. Toutes celles qui l’ont entrepris n’ont pas, il est vrai, réussi. Si quelques-unes ont commis des fautes en cette sorte de travaux, l’expérience en a du moins profité à d’autres. En tête de ces œuvres remarquables, il convient de citer les conduites d’eau de la ville de Dijon, qui ont fait à juste titre la réputation d’un habile ingénieur, M. Darcy. Un aqueduc de 12 kilomètres de long recueille les eaux de la source du Rosoir, dont le débit quotidien varie de 10 à 15,000 mètres cubes suivant les saisons. C’est plus qu’il n’en faut pour une cité de 35,000 âmes, même en faisant la part large aux besoins éventuels de l’avenir. A Dijon, le choix n’était permis qu’entre les eaux d’une source et celles d’une faible rivière. Bordeaux, qui possède un fleuve intarissable, n’a pas voulu se contenter des eaux de la Garonne, qu’il eût été si facile d’élever et de distribuer en ville. L’approvisionnement s’opère par une source et un canal-aqueduc souterrain, La quantité fournie est en moyenne de 170 litres par jour et par tête d’habitant. Toulouse est alimentée par un autre procédé, unique peut-être en son genre et qui fit honneur à l’ingénieur de cette ville, M. d’Aubuisson. En 1789, un généreux citoyen, avait légué une somme importante pour introduire dans les fontaines publiques des eaux pures, claires et potables. Après des recherches réitérées et des explorations infructueuses aux environs, il fut impossible de découvrir une source assez abondante : il fallut se résigner à puiser les eaux de la Garonne ; mais le vœu du testateur, exigeait qu’elles fussent filtrées. On s’avisa de creuser parallèlement au fleuve de longues galeries souterraines à travers un banc de sable. Ces alluvions servirent en effet de filtre naturel ; le liquide qui s’amasse dans les galeries acquiert une limpidité, convenable, quoique la Garonne soit souvent trouble. A Lyon, c’est également le fleuve qui fournit les eaux dont la ville a besoin ; elle sont refoulées dans les tuyaux de conduite par des machines à vapeur après