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indigestes. On s’est donc dit que des eaux de source ou de rivière ne sauraient convenir à l’approvisionnement d’une ville, si elles marquent plus de 18° à l’hydrotimètre. Elles seront encore rejetées, si elles ne sont pas susceptibles d’être conservées longtemps en vase clos, ou bien si la population qui en fait usage est affectée de l’une de ces endémies inexplicables attribuées depuis longtemps, non sans motifs, à des eaux impures[1].

Pour épuiser la série des questions théoriques que soulève l’approvisionnement des villes en eaux pures, il reste à examiner quelle quantité chaque habitant doit en avoir à sa disposition. Le chiffre en est assez variable. Il dépend du climat, des habitudes, de mille autres conditions locales auxquelles une solution générale ne s’applique qu’avec peine. S’il ne s’agissait que de la boisson des hommes et des animaux domestiques, il suffirait à coup sûr que chacun en reçût quelques litres. Ce que réclament les ablutions et le blanchissage s’estime moins facilement. L’arrosage public et la consommation industrielle échappent de même à toute supputation exacte. Toutefois il est un fait incontestable, c’est que les besoins du public s’étendent ou s’amoindrissent suivant les saisons ; l’été, qui fait baisser le niveau des sources et des rivières, est par malheur le moment où les besoins augmentent. Il est bien reconnu aussi que les soins de propreté sont en progrès, ce qui est un signe d’amélioration sociale, et que des classes nombreuses d’habitans réclament des quantités d’eau bien supérieures à celles qui leur suffisaient jadis. Enfin la population des grandes villes ne s’accroît-elle pas d’une façon incessante ? Qu’on s’étonne si les cités qui paraissaient, il y a vingt ans, bien pourvues se préoccupent d’augmenter leurs distributions d’eau ! Pour le moment, il semble que 150 litres par jour et par tête soient une ration convenable. Ce n’est toutefois qu’un chiffre restreint, au-dessous duquel il serait imprudent de descendre. Les villes qui passent pour bien pourvues ont adopté un coefficient deux ou trois fois plus considérable. Avant toutes, il convient de citer Rome, où l’eau qui s’écoule journellement par des conduites artificielles correspond à un mètre cube par habitant ; il n’y reste cependant que des débris des anciens aqueducs, types admirables que nos édiles modernes n’ont imités que de loin, même quand ils ont eu la licence de donner une

  1. Quand les eaux les plus voisines d’une ville et qu’il serait le plus facile de distribuer à peu de frais dans les rues ne satisfont pas aux conditions multiples qui viennent d’être énumérées, on s’est demandé s’il ne serait pas possible de les clarifier par le filtrage, lorsqu’elles sont impures, ou de les ramener hiver comme été, lorsqu’elles sont glacées ou tièdes, à la température voulue. Toutes les tentatives de ce genre ont échoué lorsqu’on en a fait l’essai sur une grande échelle.