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terreux qui se trouvaient dans le liquide et que l’on en a éliminés. MM. Boutron et Boudet ont basé sur cette réaction curieuse une méthode élémentaire pour apprécier la valeur de l’eau, méthode d’une rigueur scientifique irréprochable, et néanmoins facile à comprendre et à pratiquer par des hommes qui n’ont pas m’habitude des opérations chimiques.

L’hydrotimètre est pour les sources et les rivières ce que l’alcoomètre est pour les spiritueux ; le premier exprime en degrés de convention le mérite d’une eau, comme le second donne la valeur marchande d’un alcool. Quoique cet instrument ne soit connu que depuis peu d’années, on s’en est servi déjà pour éprouver d’innombrables échantillons d’eau puisés dans toutes les contrées de l’univers. Une source qui jaillit près de Cannes et qui porte le nom significatif de fontaine des Lessives a été trouvée presque aussi pure que l’eau distillée ; elle ne marque que 1° hydrotimétrique. Au contraire l’eau de la fontaine Maubuée, à Paris, dont le nom n’est pas moins expressif, atteint 76°. En général toutes les sources des environs de Paris, issues d’un terrain gypseux, sont au nombre des plus mauvaises que l’on ait expérimentées. La Loire ne titre que 6°, tandis que la Seine varie de 15° à 23°. La Garonne à Bordeaux se tient à 11° ; le Rhône et la Saône ne valent pas mieux que la Seine, et la Marne lui est inférieure en qualité. Le Tibre est pire encore, car il est coté à 29°. Les anciens Romains avaient donc d’excellens motifs d’en répudier les eaux, à part même la couleur jaunâtre et l’aspect trouble qu’elles présentent ; mais les eaux abondantes qui arrivent encore à Rome par des aqueducs ne leur sont guère préférables. L’hydrotimètre, manié par d’habiles observateurs, s’est montré du reste un instrument si délicat, que l’on a pu constater entre les quais de Paris une différence appréciable, suivant que l’eau était puisée près de la rive droite ou près de la rive gauche. Il a révélé que les eaux de la Marne se mêlent à celles de la Seine avec une lenteur extrême, car l’influence prépondérante et la qualité inférieure des flots de cet affluent sont encore sensibles sur le côté droit du fleuve à plusieurs kilomètres au-dessous du point où les deux lits se confondent. Grâce à l’ingénieuse méthode de MM. Boutron et Boudet, des savans poursuivent depuis plusieurs années sans embarras ni difficultés une immense enquête qui révélera sous un jour nouveau les ressources en eaux potables de notre pays, et donnera peut-être l’explication de certaines anomalies sanitaires que les hygiénistes n’avaient pas su deviner. On s’occupe avec persévérance de dresser des statistiques agricoles ou industrielles ; des investigations de même nature appliquées à l’eau, au liquide universel et indispensable sans lequel