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pendant toute la lutte au milieu du feu, et au moment où il se repliait il voyait déjà paraître les têtes de colonne de Cugia, que sa division, décimée et exténuée, ne pouvait plus seconder utilement, mais à qui il laissait quelques bataillons sous les ordres du colonel Boni, tenant tête à l’ennemi en couvrant la retraite.

De toutes parts donc, excepté à Villafranca, cette première entrée en action n’avait pas été heureuse et de douloureux pressentimens, on le conçoit, durent agiter le quartier-général. A dix heures et demie du matin, tout semblait perdu, si bien que le général La Marmora, ramenant le roi, qui pendant tout le combat était resté auprès de Custoza, s’occupait déjà d’aller préparer la retraité sur Goïto. Et cependant rien n’était perdu. Deux heures après, sur la ligne entière, tout semblait au contraire avoir pris une face nouvelle. Sirtori d’abord avait eu dans son revers le mérite de rester inaccessible au découragement. Réparant par son énergie les mauvaises chances de sa marche ou de sa tactique, il avait réorganisé ses troupes, s’était assis fortement sur la rive droite du Tione, dans le dessein d’arrêter l’ennemi, et, profitant d’un moment où les Autrichiens paraissaient hésiter, il avait repris une offensive hardie. En peu d’instans, il avait réussi à regagner les positions de la Pernisa, où il se défendait vigoureusement en attendant de pouvoir pousser plus loin un succès qu’il ne croyait pas au-dessus de ses efforts. Tout semblait donc rétabli sur ce point, et, si on n’avançait pas précisément, on avait reconquis le terrain perdu. A l’extrême gauche, le chef du 1er corps d’armée, le général Durando, qui avait passé la matinée à Valeggio sans rien savoir encore, était parti vers huit heures, et lui aussi, il avait appris aux défilés du Monte-Vento l’engagement, mieux encore le désastre de Cerale.

Durando avait eu la pensée prévoyante et heureuse de se faire une réserve qu’il amenait avec lui. Sans doute, en prenant un bataillon à chacune de ses divisions, il les avait affaiblies, et en choisissant principalement des bersaglieri, il avait composé cette réserve d’une troupe mieux faite, surtout dans ces pays boisés, pour combattre en avant que pour former une réserve. Ce n’était pas moins, dans un pareil moment, une force précieuse qui pouvait devenir un moyen de salut. Attristé par les nouvelles qui se succédaient, saisi par le spectacle des fuyards, rares d’abord, puis nombreux et effarés, qui se précipitaient, Durando s’était arrêté, faisant avancer sa réserve, recueillant les troupes de Cerale ou de Villabermosa qui se repliaient pêle-mêle, portant son artillerie sur le Monte-Vento, d’où elle pouvait dominer le pays, et se disposant à montrer à l’ennemi qu’il n’était pas au bout de sa victoire. Il ne pouvait faire rien de mieux, et son attitude eut tout au moins pour