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côté de Villafranca. Ainsi, faute de précision dans des mouvemens qui ne pouvaient être efficaces que par leur simultanéité, l’armée du Mincio laissait aux Autrichiens assez de temps pour venir gagner peut-être sur elle une bataille et se retourner ensuite contre Cialdini ; faute de vigilance, elle les avait déjà devant elle qu’elle ne s’en doutait même pas, s’abandonnant à cette persuasion chimérique, que ce qui était vrai le 23 ne pouvait manquer de l’être le 24 : de telle sorte que les Italiens allaient renouveler avec moins de raison et surtout moins de succès ce qui était arrivé à Solferino, où l’armée alliée et l’armée autrichienne se heurtaient sans le savoir. Nos bons Italiens, quoi qu’ils en disent, auraient eu encore besoin ce jour-là d’un coup de main de ceux qui à pareille heure, sept ans auparavant, les avaient gaîment et virilement aidés à avoir leur San-Martino à côté de notre Solferino.

Cette journée commençait donc par une confiance bien étrange en face de l’Inconnu, confiance qui pouvait être une force chez ces jeunes soldats impatiens de combattre, mais qui, de la part des chefs chargés de les conduire, ne laissait pas d’être inquiétante. La vérité est que ce vague, cet à peu près, faiblesse de la conception première, se reflétait dans les instructions de la journée, qui recommandaient bien sans doute de « marcher avec toutes les précautions nécessaires devant l’ennemi, » mais qui semblaient conçues comme si on ne devait pas rencontrer cet ennemi et ne précisaient rien, laissant les commandans de divisions à eux-mêmes dans le cas d’un choc qu’on ne prévoyait pas. Chaque général, ai-je dit, avait son ordre de marche, qu’il suffit de rapprocher du mouvement en sens inverse des Autrichiens pour pressentir ce qui allait inévitablement arriver. Cerale, débouchant par Monzambano, devait, à travers les hauteurs qu’il avait devant lui, gagner directement la route de Valeggio à Castelnovo, pour s’avancer vers ce dernier point en passant par Oliosi. Sirtori, campé à Valeggio depuis la veille, devait se mettre en mouvement vers la même heure, quitter la route de Castelnovo presque au sortir de Valeggio, et, prenant un chemin de traverse, se porter sur Santa-Giustina par San-Rocco-di-Palazzolo et San-Giorgio-in-Salice. Brignone, ayant plus de chemin à faire pour gagner la ligne de marche, partait de Pozzuolo à trois heures et demie du matin, et, contournant Valeggio, avait sa direction sur Sona par Custoza. Cugia et Govone, plus éloignés encore, devaient s’ébranler aux mêmes heures pour aller remplir l’espace entre Sommacampagna et Villafranca, tandis que le prince Humbert et Bixio se portaient sur ce dernier point, faisant, face à Vérone et ayant sur leurs derrières, à Mozzecane, la division de cavalerie de Sonnaz. De cette façon, entre trois et quatre heures du matin, l’armée italienne tout entière, sauf le 2e corps,