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Tout semblait singulièrement confus ; mais ce conflit qui se dessinait en Allemagne apparaissait comme une occasion unique, la pensée d’aller à Venise enflammait les cœurs, le sentiment d’une situation précaire et énervante poussait en avant les plus modérés. L’Italie en un mot, se sentait prise d’un de ces besoins d’action qui saisissent parfois les peuples jeunes, impatiens d’essayer leurs forces, et c’est ainsi que le cabinet de Florence répondait aux propositions de la Prusse en envoyant à Berlin le général Govone, un des plus brillans officiers de l’armée italienne, l’ami, le coopérateur et le confident du général La Marmora. Au mois de mars 1866, le traité était signé. Jusque-là, tout aurait pu sans doute être détourné ou ajourné ; à partir de cette heure, rien ne pouvait plus guère être évité. M. de Bismark, restait maître de la situation. D’un côté il venait de s’assurer le concours de l’Italie, de l’autre il avait, et il s’en vantait, l’alliance tacite, permanente, au besoin active de la Russie, cette alliance sur laquelle des esprits naïfs se plaisent encore quelquefois à élever des doutes ; en même temps il croyait pouvoir compter sur la neutralité française, que lui garantissait presque l’alliance italienne. Bien des comédies politiques se sont déroulées dans le monde, précédant souvent les tragédies les plus sanglantes ; il n’y en eut peut-être jamais de comparable à l’agitation de ce grand Prussien nouant son action durant tout un printemps et cachant à peine son complot, jouant avec tous les essais de conférences diplomatiques, déconcertant tous les partis allemands par l’audacieuse brusquerie de ses évolutions, poussant l’Autriche de retranchement en retranchement, tout en l’accusant de provocation, jusqu’au moment où il se dévoilait, prêt à enlacer son ennemie dans le réseau de ses combinaisons et de ses forces longuement préparées.

Quant à l’Italie, elle n’avait aucun jeu à jouer ; son attitude était aussi naturelle qu’habile. Elle ne profitait même des embarras de l’Autriche qu’après lui avoir offert l’occasion de se dégager d’un grand péril, et la revendication qu’elle mettait désormais au bout de son épée restait une de ces causes que ne désavouent pas les âmes libérales. Elle n’avait d’ailleurs aucune initiative à prendre. Son rôle était simple, il consistait à se préparer, à proportionner le déploiement de ses forces à la gravité croissante de la crise allemande. C’était la première conséquence du traité avec la Prusse. Dès le mois de mai 1866, l’armée italienne, remise en état de guerre, grossie de tous les contingens appelés successivement sous le drapeau, se trouvait concentrée avec autant d’habileté que de promptitude dans la vallée du Pô et dans les positions faisant face au Mincio. La diplomatie avait fait sa campagne, elle avait sa victoire