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améliorer leur situation. Cette disposition législative qui, en violant un principe de droit naturel, gênait l’essor du salaire, a donné le change aux ouvriers. Ils ont cru voir dans le salaire même, arbitrairement contenu, cette marque matérielle de servage qui n’était en effet que dans un texte du code ; mais cette fâcheuse illusion n’est plus possible depuis que la loi du 25 mai 1864 a supprimé le délit de coalition. Nous allons rechercher, au point de vue du droit et de l’économie politique, quelle est la portée des nouveaux articles 414-416 du code pénal, étude d’autant plus utile que ces articles ont été attaqués et le sont encore de différens côtés. Parmi les législateurs qui les ont votés, plusieurs ont voulu seulement faire une expérience, convaincus d’ailleurs qu’elle n’aurait d’autre effet que de montrer la sagesse de la législation précédente et d’y rallier les esprits. A leur avis, la liberté de coalition est incompatible avec les besoins permanens des grandes villes et des grandes industries. Chose bien digne d’attention, pendant que la loi était condamnée par les uns comme périlleuse, d’autres l’attaquaient comme inefficace. Pour se coaliser, disaient ces derniers, il faut pouvoir se réunir, et la réunion est soumise à l’autorisation préalable. N’est-ce pas donner et retenir ? n’est-ce pas faire une vaine concession que de consacrer un droit dont l’arbitraire peut rendre l’exercice impossible ? Les événemens ont prouvé que l’objection était au moins exagérée. Si la coalition pacifique était encore un délit, le gouvernement ne pourrait, cela est certain, autoriser plusieurs milliers d’ouvriers à s’assembler pour délibérer sur leurs salaires ; mais ce qu’il n’aurait pu faire hier sans violer la loi, il peut le faire désormais de la façon la plus régulière. D’un autre côté, les réunions de moins de vingt personnes n’ont jamais été soumises au régime de l’autorisation préalable, et plus d’une fois des coalitions puissantes sont sorties d’assemblées aussi peu nombreuses. Les ouvriers d’ailleurs ne se rencontrent-ils pas tous les jours légalement à l’atelier, et, sans se mettre en contravention avec la loi du 25 mars 1852, n’ont-ils pas la facilité de se concerter à l’entrée ou au sortir de la manufacture ? On peut ajouter aujourd’hui que le projet de loi sur les réunions, envoyé au corps législatif, soumet à l’agrément préalable les réunions politiques et religieuses, mais non celles qui ont pour objet des intérêts privés. Les assemblées, de patrons ou d’ouvriers, si nombreuses qu’elles soient, en seront donc affranchies, tant qu’elles voudront se renfermer dans la discussion des affaires spéciales qui leur sont propres. Si donc, au moment où elle a été faite, la loi du 25 mai 1864 manquait d’efficacité (ce que nous n’admettons pas), le régime nouveau des réunions lui fera produire tous ses effets.

Ici se présente l’autre objection. La loi, pour être plus efficace