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personnelle le détail même des affaires et lui parler un langage si plein à la fois de tendresse et de piété. « Les démonstrations que votre majesté nous donne de son attachement à la religion et de son opposition au faux esprit philosophique du siècle nous ont rempli de consolation. Tout ce qui émane directement de votre majesté se ressent toujours de la grandeur et de la rectitude de son caractère… Nous vous remercions avec la plus grande effusion du cœur de ces sentimens auxquels vous pouvez être bien assuré que les nôtres correspondent avec la plus parfaite et la plus sincère réciprocité… Soyez également convaincu que, pour ce qui nous concerne, nous ne suivons aucune politique ; les maximes de l’Évangile et les lois de l’église sont nos uniques guides. Vous pouvez donc être assuré d’avance que nous procéderons toujours en parfaite simplicité de cœur, avec tout l’esprit de conciliation et de modération possible. » Profitant de l’occasion que l’empereur lui en avait lui-même fournie, le pape ne craint pas d’entrer dans l’énumération des changemens qu’il désire voir s’accomplir de l’autre côté des Alpes, « car il ne croit pas que personne ait trouvé, comme l’affirme Napoléon, qu’on ait trop fait pour le clergé en Italie. Soyez au contraire persuadé que la grande majorité des peuples bénira toujours d’autant plus votre majesté et sera d’autant plus pénétrée pour elle de fidélité qu’elle aura favorisé davantage la cause de la religion et de l’église. » — «… Quelle satisfaction pour moi, s’écrie avec un redoublement d’enthousiasme le saint-père en terminant sa lettre, et pour votre majesté quelle gloire d’avoir démontré devant le monde et pour la postérité que le désir de rétablir la religion, dont dépend la vraie félicité des états, a étroitement uni nos cœurs, et que vers ce but si généreux tous nos soins ont toujours été uniquement dirigés ! Cette pensée me remplit de joie[1]. »

Cette joyeuse confiance de Pie VII était certainement très sincère, comme l’était, à plus forte raison, son immense envie de complaire à l’homme tout-puissant sur la bonne volonté duquel il avait placé tant d’espérances. Peut-être à son insu le saint-père avait-il pourtant renchéri dans cette occasion sur les témoignages accoutumés de son affectueuse admiration. Peut-être aussi Napoléon avait-il mis quelque étude à surexciter cette fois les généreuses illusions de son trop facile correspondant. Il y avait des deux côtés un motif particulier à ce redoublement réciproque de cordiales manifestations. En effet, pendant que s’échangeaient, à propos des affaires d’Italie, ces lettres dont nous avons cru devoir citer les propres termes, une autre question avait surgi, d’une nature plus intime et toute personnelle, qui en France intéressait au plus haut degré

  1. Lettre de Pie VII à Napoléon Ier, 6 septembre 1805.