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indiquerons le moyen qui, à notre avis, la rendrait à la fois moins périlleuse et plus efficace.


I

D’après une école aujourd’hui fort nombreuse, — elle a pour adhérens la plus grande partie des ouvriers urbains, — le salaire fixe au jour, à la semaine, au mois, à l’année, n’est pas le mode définitif de la rémunération du travail. A l’en croire, il faudrait le considérer comme la dernière étape de cette longue marche qui a commencé par l’esclavage, continué par le servage et fini par l’amère indépendance de l’ouvrier moderne. Entre le point de départ et le point d’arrivée, la distance est assurément bien grande, car elle est mesurée par la différence qui distingue l’homme libre et responsable de l’homme assimilé au bétail. Sans nier l’étendue de ce progrès, ceux qui attaquent le salaire demandent si le travail au jour le jour, tourmenté par la sombre inquiétude du lendemain, est la douce liberté qui commence, ou s’il n’est pas plutôt une forme de la servitude qui va finir. La coopération, avec la qualité d’associé participant aux bénéfices, serait, d’après cette école, destinée à remplacer le salaire. Au moyen de ce changement, l’ouvrier, intéressé désormais aux succès de l’entreprise, encouragé par la justice de la l’énumération, cesserait de trouver le travail rebutant. Là serait l’avenir de l’industrie, l’idéal auquel devrait tendre tout effort d’organisation. On n’en appelle plus à l’état, cela est vrai ? l’organisation du travail, qui, en février 1848, signifiait une forme imposée par l’autorité de la loi, est aujourd’hui comprise d’une façon plus libérale. On n’entend par là qu’un régime contractuel spontanément adopté et se développant par ses propres vertus ; si la coopération est recommandée, c’est uniquement parce qu’on y voit la base la plus équitable des relations à établir entre le capital et la main-d’œuvre. Enfin, d’après les conclusions dernières de cette école, la disparition du salaire mettra fin au prolétariat moderne, qu’elle appelle une véritable servitude de fait survivant à l’abolition de l’esclavage légal.

Pour faire évanouir ces illusions, il suffit d’analyser la notion du salaire. J’appelle salaire une somme fixée à forfait entre le patron et l’ouvrier, moyennant laquelle ce dernier abandonne sa part éventuelle dans la richesse produite par la collaboration du capital et du travail. — Que les résultats de l’entreprise soient nuls, médiocres ou importans, le salaire n’en dépend pas, et si l’ouvrier n’est pas associé aux chances heureuses, il n’a pas à s’inquiéter de la ruine de son patron. La coopération au contraire, avec