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en conservant son caractère national, elle s’enrichit des belles productions de l’éloquence sacrée ou de l’histoire. Elle cherche à se reprendre à la vie par de timides essais où perce le goût de l’imitation française, et dont la valeur, quand ces ; essais visent à l’originalité, est très contestable. Dans cette seconde catégorie, il faut ranger cet essaim de brochures qu’a fait éclore la passion des disputes religieuses, invétérée chez les Arméniens. Ils ont emprunté à la France, sous forme de traductions plus ou moins réussies, un très petit nombre d’ouvrages sérieux dans le genre moral et historique, mais en quantité assez considérable les œuvres de ses romanciers : Balzac, Dumas, Victor Hugo, G. Sand, Eugène Sue, etc., et ce qui est assez regrettable, un auteur licencieux et tout à fait démodé, le vieux Pigault-Lebrun, leur sont familiers.

Pour l’art dramatique, ils ont été plus heureux ; ils ont construit à Constantinople des théâtres dont un, situé à Péra, est assidûment fréquenté. Une bonne troupe y interprète les pièces de Corneille, Racine, Molière, Beaumarchais, ainsi que les nouveautés de la scène que la vogue parisienne a consacrées ; mais les pièces préférées sont celles dont le sujet est tiré des légendes et des traditions nationales. Les représentations dramatiques ont pris une telle faveur, qu’elles ont pénétré jusque dans les écoles des provinces.

De toutes les sciences, celle que les Arméniens cultivent avec une prédilection, et un succès marqués est la médecine. Ils allaient autrefois l’étudier dans les universités d’Italie ; tous sans exception accourent aujourd’hui à Paris. Dans les chaires de l’école impériale de médecine à Constantinople sont assis plusieurs Arméniens ; il y en a qui ont acquis une juste célébrité et une nombreuse clientèle parmi les classes d’habitans d’origine hétérogène et si mélangée qui se pressent dans l’enceinte de cette capitale.

S’il m’était permis de franchir les limites de la Turquie, où me circonscrit mon sujet, je rappellerais que la nation arménienne, a donné à la peinture un des interprètes éminens de cet art, Aïvaiovski, né à Caffa en Crimée, aujourd’hui attaché à la cour de Saint-Pétersbourg, et dont le talent comme peintre de marine est connu et apprécié du public français. Constantinople compte parmi les Arméniens des peintres qui se sont rendus recommandâmes dans deux genres de composition, le portrait et le paysage. Un autre art dans lequel ils se sont distingués et où le gouvernement ottoman se complaît avec raison à les employer est l’architecture ; plusieurs palais et édifices publics de Constantinople sont leur ouvrage. Ils ont su y combiner, souvent avec bonheur, le goût européen avec le style oriental. Ils n’ont point dégénéré, et ils se souviennent de leur illustre devancier Tiridate, que l’empereur Justinien Ier fit venir du