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leurs organes ; mais, quelle que soit la valeur relative de ces journaux, leur existence même est un fait digne d’être noté, comme la couleur du drapeau qu’ils ont arboré et la cause qu’ils prétendent servir. Dans un intervalle de vingt-sept ans (1839-1866), Constantinople a donné naissance à quatorze journaux arméniens, dont les titres rappellent parfois les souvenirs les plus chers de la patrie absente, les uns politiques et littéraires, les autres purement littéraires, le Haïasdan (l’Arménie), la Colombe de Noé, le Massis ou Ararad, le Nouvelliste, le Messager de la bonne nouvelle, l’Étoile de Saturne, l’Amour, la Cilicie, l’Abeille, l’Oiseau de Pégase, la Guitare, rédigée par une jeune femme, etc. Smyrne compte deux journaux, l’Aurore (Arschalouis) et l’Union. Il s’en est établi un aussi à l’extrémité la plus reculée de l’Arménie turque, dans la ville de Van[1]. Parmi les recueils mensuels, nous citerons seulement ceux qui sont le plus en renom, le Bourgeon d’Avarair à Constantinople, l’Espérance à Nicomédie, la Fleur à Smyrne, Sion à Jérusalem[2].

Ces diverses publications sont écrites dans le dialecte moderne de la langue arménienne, dialecte corrompu par l’admission d’une foule de mots étrangers, turcs principalement, mais qui se dégage peu à peu de cet alliage de mauvais aloi et tend à s’épurer. Trois journaux, le Nouvelliste, le Messager de la bonne nouvelle et l’Opinion publique, sont rédigés en turc, transcrit en caractères arméniens. La plupart sont hebdomadaires ; il y en a qui maintenant s’aventurent à paraître deux fois par semaine. Le doyen de ces journaux, l’Aurore, a pour père M. Baltbazar, et a eu pour berceau en 1839 Smyrne, ville où la population arménienne s’est toujours distinguée par son esprit d’initiative et de progrès. Il subsiste encore et est très répandu ; c’est un exemple unique de longévité, car un journal arménien, étant la propriété exclusive de son fondateur, disparaît souvent avec lui, et nous n’oserions pas affirmer que notre liste n’en mentionne point quelques-uns qui ont succombé ; mais il est probable que d’autres sont nés et occupent la place des défunts.

La littérature est loin d’être remontée au niveau qu’elle atteignît dans l’antiquité, lorsque, fécondée par le génie de la Grèce et tout

  1. Le,journal de Van est rédigé par le vartabed (docteur en théologie) Jean-Baptistu (Meguerditch) de Crimée C’est un homme très savant, d’une éloquence entraînante et d’idées politiques très avancée.
  2. Si nous faisions un dénombrement général des journaux arméniens, nous aurions à grossir notre liste de ceux qui paraissent en Russie, en France, en Angleterre, en Autriche, en Italie, en Égypte, en Perse et dans l’Inde britannique Partout où se transporte une colonie d’Arméniens, ou est sûr qu’aussitôt ils publient un journal à eux.