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catholicisme lui-même ; c’était aussi la conservation intégrale de la souveraineté temporelle qu’à son avènement il avait juré de défendre, dont le maintien, à tort ou à raison, a toujours été considéré jusqu’à présent par les évêques de Rome comme la condition indispensable de l’indépendance de leur apostolat. S’il avait assez de confiance dans ce qui lui semblait son bon droit pour n’hésiter pas à le revendiquer sans faiblir, Pie VII était en même temps trop clairvoyant pour n’avoir point d’avance pressenti combien par les temps qui couraient, et avec un tel homme, il lui serait difficile d’ouvrir à ce sujet une négociation en règle. Il s’était donc arrêté à une sorte de compromis. Il avait pensé qu’une fois rendu à Paris, sans avoir mis de condition à cet acte de condescendance, après avoir au contraire donné, comme prince régnant, des preuves si multipliées de sa patience et de sa longanimité, il serait en meilleure position pour traiter cette question avec un fondateur d’empire qui lui-même avait si évidemment recherché de terrestres avantages dans le rétablissement de l’ancien culte. Profitant du laisser-aller d’un entretien tout familier, il pourrait alors, sans confusion fâcheuse et sans manque de dignité, glisser à propos d’utiles paroles sur le dénûment de la cour de Rome et sur les graves dommages depuis longtemps supportés par l’héritier amoindri de tant de pontifes autrefois si riches et si puissans. Le moment, pensait-il, était venu pour le chef d’une église rentrée en possession de ses antiques honneurs, mais toujours privée de la plus fructueuse partie de son légitime patrimoine, d’employer pour la recouvrer les seules armes qui fussent désormais à son usage, celles de la prière insinuante et de la plainte attendrie. Cette occasion, Pie VII s’était bien promis de ne pas la laisser échapper, et, plein d’une imprudente ingénuité, il avait mis tout son espoir dans l’action personnelle qu’il s’était, contre toute vraisemblance, flatté d’exercer sur un souverain parvenu au faîte des grandeurs, enivré de ses récens succès, et, dès les débuts de sa carrière, si parfaitement connu pour avoir toujours été inaccessible aux influences.

Si l’illusion était grande, elle fut de bien courte durée. A peine mis en demeure, Napoléon avait vite fait sentir à son interlocuteur qu’il n’était pas aisé de lui adresser des requêtes auxquelles il ne voulait pas répondre, et que c’était peine perdue de vouloir obtenir par voie détournée ce qu’il avait résolu de ne point accorder. Les Légations étaient le fruit de ses premières conquêtes. Il les avait cédées à une puissance qui lui devait son existence même, dont il était le protecteur déclaré, et qui était devenue l’alliée si intime et si nécessaire de la France, que réclamer une portion de son territoire, c’était vouloir démembrer l’empire. Pie VII avait fait prompte retraite. Insister n’eût servi qu’à compromettre en pure perte une