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quatrième et à la cinquième, l’avoine ; à la sixième, le trèfle ; la septième, la huitième et la neuvième année sont réservées au pâturage. Voilà, il est vrai, quatre années de récolte verte et quatre années de céréales ; mais celles-ci ont le tort de se suivre sans interruption. Les progrès récens tendent à introduire la culture alterne et à supprimer les clôtures des koppels, qui prennent une place précieuse. Le principal produit du pays est le beurre et le bétail, que les bateaux à vapeur emportent chaque semaine du port de Tonning pour le marché de Londres. Ils enlèvent ainsi au moins 200 bœufs et 2,000 moutons par semaine. Le beurre s’expédie aussi par Kiel et toujours en des tonnelets de chêne de 50 à 75 kilos portant la marque de la ferme d’où ils proviennent, excellente coutume qui entretient l’émulation et empêche les fraudes. Par ses exportations, le Slesvig-Holstein dépend de l’Angleterre plutôt que de l’Allemagne, et il n’a pas à s’en plaindre, car le haut prix des produits enrichit le fermier et les propriétaires[1]. Le bétail appartient à deux races très distinctes : la race angle, au pelage rougeâtre, aux jambes fines, donnant beaucoup de lait, et la race du Jutland, à la robe pie, noir et blanc, moins grande, mais plus robuste. Les petits cultivateurs du geest élèvent les jeunes bêtes, les grands fermiers du marsch les achètent et les engraissent dans les prairies à raison de deux bêtes à cornes et de deux moutons par hectare. Les chevaux sont excellens, et le jour du marché les paysans aiment à s’y rendre au trot rapide de leurs brillans attelages. Les ouvriers agricoles, insten, ne reçoivent que 90 centimes par jour. Lorsqu’ils battent le grain au fléau, ils obtiennent le seizième du produit et le vingtième quand ils battent à la mécanique. Dans les marschen, où les bras sont rares, la journée se paie pendant la moisson 1 fr. 50 et 1 fr. 80 cent., non compris la nourriture, qui doit être copieuse et forte. Les habitations des ouvriers, grandes, bien tenues et presque toujours ornées de fleurs, contiennent au moins quatre places. Les relations entre maîtres et serviteurs sont restées patriarcales, ce qui devient rare en Allemagne comme partout. L’ivrognerie, vice habituel des peuples du nord, est peu répandue. On exporte de l’eau-de-vie et on importe de la bière, ce qui est bon signe. Le sentiment de la prévoyance est développé. Les ouvriers s’associent à des caisses de secours mutuels ; les fermiers font assurer leurs maisons, et ils ont établi des caisses d’assurances mutuelles pour le bétail (kuhgilden), afin de recevoir une indemnité en cas de perte. C’est une population fière et faite pour

  1. Les exportations ont monté dans ces dernières années à 7 millions de kilos de beurre, 3 millions de kilos de viande dépecée, 20 millions de kilos de graines de colza et 5 millions de tourteaux, enfin à 50,000 têtes de bétail, chiffres considérables, qui donnent une idée de la fertilité du pays et du bien-être qui doit y régner.