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on retrouve encore les mêmes sapins maladifs, les mêmes bouleaux rachitiques, les mêmes champs de seigle, le même aspect de pauvreté souffreteuse ; il semble qu’on n’ait point changé de place. Le climat est extrêmement rigoureux ; trois mois de neige, un froid qui atteint 28 degrés Réaumur, et, circonstance plus fâcheuse encore, des gelées tardives jusqu’en juin et juillet, qui grillent les pommes de terre et le sarrasin. Cependant les habitations rurales sont bien soignées, propres et correctement tenues dans leur médiocrité, comme le vêtement d’un sous-officier en demi-solde. Dans les villages, l’église et l’école en excellent état annoncent qu’on ne néglige pas les intérêts moraux et intellectuels ; les routes, les cours d’eau, sont parfaitement entretenus. Tout indique l’effort d’une volonté persévérante et prévoyante. Le touriste qui cherche des sites pittoresques, l’agronome qui désire visiter des régions de riche culture, ne doivent point aller en Prusse. Même dans le district si réputé de Magdebourg, la Prusse n’a rien à offrir qui puisse se comparer aux Flandres française et belge, à la Normandie, ou aux comtés de Norfolk et de la Basse-Ecosse ; mais celui qui voudra savoir comment l’homme parvient à vaincre les résistances d’une nature rebelle et à tirer d’une terre inféconde d’abondans moyens de subsistance, comment surtout l’instruction, généralisée et la science appliquée peuvent contribuer aux progrès de l’agriculture, celui-là trouvera dans l’étude de l’économie rurale prussienne les plus utiles enseignemens. Sans doute c’est pour les yeux de l’amateur un beau spectacle que celui des gras pâturages de la Lombardie ou de la Hollande tout couverts de magnifiques troupeaux ; mais, s’il désire améliorer son domaine, que peut-il emprunter à ces contrées exceptionnellement favorisées, pour qui la nature a tout fait ? Vient-il à les citer, on lui répondra qu’il faudrait commencer par se procurer le fertile limon qui produit spontanément ces nourrissans fourrages. Que si au contraire il a vu des terres de la plus mauvaise qualité donner un revenu rémunérateur, il pourra facilement en faire son profit en introduisant les procédés qui ont ïéussi ailleurs. De même, en cherchant comment un état naturellement pauvre et déshérité a pu grandir rapidement en puissance et en richesse, les nations plus favorisées et qui pourtant n’avancent pas aussi vite trouveront, peut-être l’occasion de salutaires réflexions et d’utiles réformes.


I

Avant les récentes annexions, le territoire de la Prusse avait une étendue de 28 millions d’hectares ; il en comprend aujourd’hui 35 millions. Il présente l’aspect d’une grande plaine de formation