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quœdam) que, dans son traité de la Divination, Cicéron croit inhérent à l’âme humaine. Aux époques d’ignorance universelle, et lorsque la supériorité intellectuelle ne pouvait consister que dans une délicatesse plus grande des facultés esthétiques et intuitives, ceux qui, sans études, sans réflexion méthodique et uniquement grâce à la vivacité exceptionnelle de leurs impressions, firent preuve d’une espèce de seconde vue ou de prévoyance sagace passèrent aisément et se prirent eux-mêmes de très bonne foi pour des hommes recevant des communications spéciales de la Divinité. La médecine psychologique d’aujourd’hui étudie sérieusement les faits nombreux qui prouvent que certaines surexcitations nerveuses, dont les causes peuvent être bien diverses, sont souvent accompagnées d’un déploiement remarquable de la sensibilité, de la mémoire, de la lucidité des idées, et en particulier de la prévoyance. Il est clair que cette prévoyance est loin d’être infaillible ; mais on aurait tort de nier la rapidité surprenante, la sûreté automatique des opérations inconscientes de l’esprit dans ces momens d’exaltation mentale. A l’âge où l’homme, à peine détaché du sein de la nature, réagissait infiniment moins que nous sur ses sensations et ses premiers mouvemens, ces états d’excitation à la fois physique et morale étaient plus fréquens et surtout moins morbides que de nos jours. Ce sont là les phénomènes primordiaux qui ont présidé à la naissance de la poésie, de l’art, de l’éloquence et du prophétisme. La diminution, parfois même la disparition du gouvernement de soi-même, les caractérise toujours. Aussi a-t-on fait remonter ces manifestations primitives de l’esprit à une sorte de prise de possession de l’inspiré par une puissance divine irrésistible.

Ce qu’il faut noter avec soin pour bien saisir les origines du prophétisme, c’est que de ces formes embryonnaires qui recelaient les germes de tant de grandeurs futures sortit une double conception de la voie à suivre pour arriver à la prescience de l’avenir. Il y eut une divination fondée sur de prétendus indices que fournissaient les choses extérieures : la croyance aux bons et aux mauvais présages, aux jours funestes ou propices, etc. De là vint l’art des augures, des tireurs d’horoscopes, des aruspices. Mais aussi il y eut une divination reposant simplement sur les impressions et intuitions personnelles des inspirés. On pourrait, il est vrai, signaler certains genres de divination qu’il est difficile de rattacher à une conception plutôt qu’à l’autre, par exemple les oracles rendus par des prêtres ou des prêtresses se soumettant volontairement à des agens physiques capables de provoquer l’excitation ou l’ivresse mentale dont nous, venons de parler. Le plus fameux exemple connu est celui de la pythie de Delphes. Cependant, si l’on y pense bien, ces cas