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courbures. Un mauvais joueur n’arrachera d’un de ces violons que les artistes vénèrent et se disputent que des sons secs et grinçans : un bon violoniste réussira sans peine à tirer d’un instrument médiocre des sons tendres, nourris et onduleux.

Arrivons à un autre ordre d’instrumens, les instrumens à vent. Dans les uns, le courant d’air souffle contre une arête aiguë ; dans d’autres, il fait vibrer une sorte de langue élastique qu’on nomme anche. À la première classe appartiennent les flûtes et une nombreuse catégorie de tuyaux d’orgue. Dans la flûte, la bouche de l’artiste lance un courant d’air sur l’arête tranchante d’un orifice ouvert dans un tube cylindrique. Dans les orgues, on voit des tuyaux carrés en bois ouverts par le haut, ou des tuyaux cylindriques fermés en étain ; ces grandes colonnes d’air sont mises en vibration par le jet du vent contre un biseau tranchant. L’air reçoit une série de chocs sur ce biseau et produit un bruit qui est le mélange confus d’une multitude de notes. La colonne d’air, faisant office de résonnateur, s’approprie et enfle celles de ces notes dont les vibrations lui conviennent ; en se développant, ces notes font bientôt taire le petit murmure de l’orifice, et l’on n’entend plus, de loin surtout, que la puissante harmonie du son dominant. Le timbre du tuyau dépend donc du nombre et de l’intensité des harmoniques qu’il est apte à produire ; plus les tuyaux sont étroits, plus facilement la colonne emprisonnée peut se charger de vibrations ; plus au contraire on les élargit, plus la colonne d’air a peine à se subdiviser, et plus on donne de prédominance à la note fondamentale seule. C’est pour cela que les registres des cylindres minces et étroits représentent, si l’on me permet le mot, les instrumens à cordes dans le majestueux orchestre de l’orgue ; ce sont les registres du violon principal, du violoncelle, de la basse, de la viole. Ils fournissent un son riche et coloré, où l’on peut distinguer encore jusqu’à six harmoniques. Dans les tuyaux plus larges, les harmoniques s’évanouissent ; dans ce qu’on nomme les voix principales, dont le timbre caractérise essentiellement l’orgue, la note fondamentale domine, grave, molle et pourtant puissante, et les notes supérieures sont réduites à un rôle secondaire. Dans les tuyaux en bois, ces registres ne laissent plus entendre que l’octave avec une trace de la quinte aiguë, tout le reste a disparu.

La particularité des instrumens à vent tient à ce que la vitesse du jet de l’air a une action directe sur la note fondamentale ; en lançant le vent de plus en plus vite, on obtient, non pas la même note plus ou moins intense, mais une succession d’harmoniques. C’est ce qui fait qu’il ne faut point compter sur le vent pour obtenir les nuances du piano et du forte, pour enfler ou diminuer le son,