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d’imprévoyance furent commises dans l’organisation du gouvernement parlementaire sous les régimes de la restauration et de 1830. Tel fut par exemple et surtout le système des commissions qui consomme beaucoup de travail inutile, crée des influences personnelles surabondantes, échappe au contrôle de la publicité, et ralentit l’expédition des affaires. À cette cause de complication et de lenteur s’ajoute maintenant l’absence de la responsabilité ministérielle et de l’initiative parlementaire. Il n’y a point de leader dans notre corps législatif : les ministres, exclusivement représentans du pouvoir exécutif, sont en dehors et au-dessus de la chambre, et ne lui sont point liés, comme en Angleterre, par le sentiment de la confraternité de la fonction législative. D’une autre part, la chambre n’a point la direction de ses procédés de travail ; ses procédures sont fixées par un règlement qu’elle n’a point voté, qu’elle ne peut modifier elle-même, qui émane exclusivement du pouvoir exécutif, les difficultés pratiques créées par cet état de choses se compliquent encore de l’intervention incessante du conseil d’état dans l’œuvre législative. C’est surtout cette année, où il y avait à voter au point de vue politique et militaire des lois d’une haute portée, que l’on fait une expérience complète des obstacles qui s’opposent chez nous au développement logique et rapide de l’action parlementaire. Le travail des commissions, qui est une superfluité, est trop lent ; la série des discussions n’est point établie dans l’ordre des intérêts politiques sur lesquels elles sont engagées ; les séances sont trop rares et trop courtes, même pour les lois qui, malgré leur importance, ne touchent point cependant aux intérêts de premier ordre, comme on l’a vu pour celles de l’institution municipale et des sociétés de commerce ; des incidens qui mettent en branle une procédure encombrante font traîner la délibération en longueur ou la brusquent par des votes impatiens. On pourra dire de la session présente qu’elle a mis en lumière, par une expérience toute pratique, d’une part les inconvéniens du système en vigueur, de l’autre la nécessité de revenir à la logique véritable des institutions représentatives, si l’on veut assurer la prompte et bonne expédition des affaires.

Il faudra bien pourtant, dans l’intervalle qui nous sépare de la fin de la session, que les chambres délibèrent avec une attention et une application dignes du patriotisme et de l’esprit français sur ces grands intérêts de la réorganisation de l’armée, d’une législation de droit commun pour la presse, du droit de réunion, d’où dépend la liberté électorale, et du budget. Quelques progrès ont été accomplis dans la conception du projet de loi sur l’armée. On s’est décidé enfin à renoncer à la loi de dotation, si unanimement condamnée par toutes les autorités compétentes pour les effets qu’elle avait déjà produits, et qui mettait en danger l’unité d’esprit moral et de valeur physique des troupes françaises. Nous espérons que par la discussion on réussira enfin à fixer les conditions raisonnables auxquelles on peut assurer à notre armée un recrutement proportionné aux besoins