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surface des mains de l’opérateur, qui les éloigne ? quelle précaution est prise pour supprimer la vitalité des germes qu’elles peuvent renfermer ? »

Plus récemment, M. Donné a présenté de nouveau à l’Académie, par l’entremise de M. Robin, le résultat d’expériences un peu différentes dans la forme. Il prend encore des œufs et pratique un petit trou dans l’écaille pour laisser échapper une partie du contenu ; il place dans un vase les œufs ainsi préparés, les cale avec des morceaux de marbre concassé et les noie dans un bain d’eau bouillante. Un pareil bain doit détruire tous les germes. M. Pasteur a précédemment déclaré qu’une température de 75 degrés suffit à cet effet. Cependant au bout de quelque temps les œufs de M. Donné fourmillent de moisissures et d’animalcules. A ces nouveaux essais M. Pasteur oppose les mêmes objections qu’aux précédens : si des êtres vivans se produisent, c’est que des germes ont été introduits pendant la manipulation et que la température réalisée dans l’expérience n’a pas été suffisante pour les détruire.

En somme, ni les partisans ni les adversaires de la génération spontanée n’ont obtenu les résultats décisifs sur lesquels ils comptaient. Les panspermistes, cela n’est pas douteux, ont pour eux la majorité des savans et du public ; mais leurs contradicteurs, compensant par leur ardeur l’infériorité du nombre, n’ont pas été délogés des positions qu’ils occupent. Il semble probable d’ailleurs qu’on abandonnera bientôt cette forme d’expérimentation à laquelle se rapportent les travaux dont nous parlions tout à l’heure. On est là sur un terrain épuisé, et il n’y a point d’espoir qu’on y trouve les solutions absolues qu’on paraît chercher de part et d’autre. Cette controverse ambitieuse et bruyante qui s’agite depuis plusieurs années a eu du moins pour résultat de nous fournir un grand nombre de données intéressantes sur les mœurs des animaux et des plantes microscopiques. On n’a pas tranché le nœud gordien ; mais à côté de la question principale on a obtenu de véritables succès. On a mis en lumière certaines manifestations élémentaires de la vie qui éclairent d’un jour tout nouveau les sciences biologiques. Ces cristaux singuliers qui se doublent d’une cellule et qui présentent ainsi une sorte de soudure entre le monde inorganique et le monde organisé, — ces plantes cryptogames qui émettent pour se féconder de véritables petits animaux, de telle sorte qu’elles nous montrent à une époque de leur développement une fusion merveilleuse des deux règnes organiques, — ces recherches embryogéniques qui nous font entrevoir dans les phases successives de l’embryon les formes généalogiques des différentes espèces, tant d’autres recherches du même ordre, tant d’autres révélations piquantes dues à la micrographie peuvent fournir des matériaux de premier choix aux annuaires scientifiques de l’an prochain.


EDGAR SAVENEY.