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seront insuffisamment éclairées par un jour de fenêtre, qui ne peut forcément en développer qu’une seule face. De plus les statues ne sont pas faites pour être placées sur des cheminées ou sur des étagères, elles sont destinées à des jardins, à de larges vestibules, à des péristyles où la lumière ambiante les baigne de toutes parts, en enveloppe les contours et les fait ce qu’elles doivent être, des formes saillantes par elles-mêmes et qu’on peut examiner de tous côtés. Si, comme on le prétend, les sculpteurs ont impérieusement demandé pour l’exhibition de cette année cet emplacement insuffisant, ils sont probablement satisfaits, et je n’ai plus rien à dire, car il ne convient pas d’être plus royaliste que le roi.

La stérilité apparente de l’exposition de sculpture ne doit surprendre personne, car son champ est restreint et beaucoup moins fécond que celui de la peinture, qui peut toucher à tout, se renouveler sans cesse et se modifier facilement par le choix d’une infinité de sujets. Certains esprits, plus hardis peut-être qu’il ne faudrait, se sont sans doute trouvés mal à l’aise dans le monde mythologique, où la statuaire va le plus souvent chercher ses inspirations, et c’est à cela peut-être que nous devons certaines tentatives malheureuses, notamment cette tendance que nous avons déjà signalée, et qui consiste à dépasser de parti-pris les dimensions raisonnables que comporte un sujet quelconque. Telle statuette serait charmante, qui devient ridicule, si l’on en fait une statue. Le est modus in rebus s’applique à l’art plus qu’à toute autre chose, et c’est souvent affaiblir une œuvre que de la grandir outre mesure. Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème, mais le sujet propre à inspirer un sonnet ne pourra jamais animer un poème entier. Beaucoup de sculpteurs semblent ignorer cette loi bien simple de pondération et d’équilibre ; ils prennent volontiers l’amplification pour l’éloquence, oublient le rapport forcé qui existe entre, la conception et l’exécution, croient faire acte de force en agrandissant leur maquette, et ne voient pas qu’en agissant ainsi ils ne font que s’amoindrir. Que penser de deux statues, grandeur naturelle, représentant chacune un homme qui bâille, et d’une autre de même dimension qui nous montre un jeune homme sortant de l’eau tout nu et remettant ses bas ? Michel-Ange a traité le même sujet, mais en peinture, et il se serait, bien gardé d’y condamner la statuaire. Un autre sculpteur, fatigué sans doute des froides attitudes et des poses majestueuses, a été bien plus loin encore et s’est livré à une fantaisie qui ne manque pas d’imprévu. Sa statue, en plâtre teinté d’une nuance terre cuite, nous apprend comment les Indiens cabôclos tirent de l’arc. Il faut avouer que l’exercice est fatigant et exige une grande souplesse dans les reins. L’homme est couché sur le dos, une jambe levée en l’air ; sur la plante du pied, il a posé