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tout-puissant et qu’il lui suffit d’un simple trait de plume pour modifier aujourd’hui le règlement d’hier, ne pourrait supprimer ce bénéfice d’exemption qu’il accorde aux artistes qui ont obtenu déjà une médaille ? Les exempts ont exposé cette année des tableaux qui ne devraient trouver place que dans la salle des refusés, et c’est cela qui suffit à donner au Salon actuel un aspect de médiocrité plus apparente que réelle. Je ne comprends pas qu’en matière d’art les droits acquis puissent servir à quelque chose. On peut avoir fait un chef-d’œuvre et ne plus savoir peindre ; cela s’est vu, cela se voit encore aujourd’hui même. Si tel tableau qu’il est superflu d’indiquer, qui est signé par un membre de l’Institut, avait été envoyé par un débutant, il eût été refusé à l’unanimité. Ces exceptions sont inutiles et dangereuses ; les artistes qui en sont l’objet sont certains d’être admis, dès lors ils ne se donnent pas grand’peine et expédient à l’exposition le premier tableau venu, souvent même celui qui avait été repoussé quelques années auparavant. Le droit commun pour tous, c’est ce qu’il y aurait de plus simple, de plus honorable, de plus rationnel, et ce qui donnerait à nos exhibitions d’art un côté réellement pratique et sérieux. Puisque le jury est maintenu et fonctionne, il doit prononcer, comme une cour de cassation, en dernier ressort, sans tenir compte des récompenses ou des exceptions administratives. En supprimant les difficultés de l’admission, on supprime du même coup l’effort de l’artiste, et c’est là cependant ce qu’il faut développer à tout prix, sans relâche et sans faiblesse, car c’est par l’effort toujours renouvelé et visant très haut que nos artistes arriveront à prouver qu’ils sont encore capables, de faire de grandes choses.


I

Il est probable que les sculpteurs se sont réservés pour l’exposition universelle ouverte au Champ de Mars, car les premiers d’entre eux n’ont rien envoyé au Palais de l’Industrie ; sauf de rares exceptions, les maîtres se sont abstenus, et nous n’avons guère à parler que des élèves. La sculpture est encore exposée dans un long couloir désagréable d’aspect, qui ressemble à une immense, cave où les. statues blanchissent de loin comme des fantômes. Nous regrettons le jardin et nous ne répéterons pas aujourd’hui ce que nous avons dit l’année dernière ; nos observations restent les mêmes, aussi justes que par le passé, et rien dans cette installation renouvelée n’est venu leur donner un démenti. Seulement nous insisterons sur ce point : ce qui est bon pour les bas-reliefs n’est pas bon pour les ouvrages de ronde bosse, et tant que les statues ne seront point posées sur des selles pivotantes, elles