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vie rurale, à développer les ressources du Périgord, dont il comprenait si bien les besoins, et à seconder la réforme du contrat de métayage.

Le vice essentiel de ce contrat, tel qu’il est encore presque universellement compris, doit aisément se déduire des observations relatives à la durée annuelle des engagemens réciproques. On l’a vu, tant que le métayer ne pourra porter ses regards au-delà des limites d’une année, tant qu’il lui sera impossible de tenter aucun effort reposant sur une moyenne établie entre plusieurs récoltes qui se compensent l’une et l’autre, point de progrès possible. Sous ce rapport, le régime qui prévaut aujourd’hui condamne l’agriculture à un invincible état d’engourdissement. Un juge de paix du pays même de Michel Montaigne, habitué à vivre au milieu des métayers, à recueillir leurs plaintes, à statuer sur les différends qui s’élèvent trop souvent entre le propriétaire et le colon lorsqu’ils viennent à se quitter, me déclarait que l’usage de baux ayant une durée de cinq à dix ans remédierait à une grande partie des inconvéniens actuels. Rien de plus évident par soi-même : dès qu’il est impossible avec un bail d’une année de sortir du cercle des cultures élémentaires, c’est-à-dire de celles qui sont les moins rémunératrices et les plus menacées par le jeu des transactions internationales, le bail annuel aboutit à la torpeur et à la misère.

L’objection principale, je l’ai signalée : si le propriétaire n’a pas la faculté de l’éviction à court terme, il n’a plus d’égide suffisante contre les détournemens et les fraudes. On a pressenti déjà sans aucun doute que cette objection, tout en autorisant l’exercice d’une surveillance plus ou moins minutieuse suivant les cas, ne justifie point une règle générale absolument appliquée. Rien n’empêcherait d’ailleurs d’introduire dans la convention une clause qui fût de nature à modérer la tentation redoutée chez le tenancier, et par suite à favoriser la sécurité du propriétaire. Ne pourrait-il pas être expressément dit qu’une fraude ou un détournement constaté entraînera la résiliation du contrat ? La loyauté du métayer serait alors plus sensiblement encore qu’aujourd’hui placée sous l’égide de son intérêt.

Il est une autre objection qui, tout en reposant sur un fait sérieux et incontestable, ne nous paraît pas plus admissible. Le propriétaire, dit-on, peut consentir un bail de cinq ou de dix ans, rien de plus simple ; mais il s’engage tout seul : la promesse du preneur, la promesse du métayer est dépourvue de sanction. Qu’importe que le bailleur ait entre les mains un titre parfaitement régulier ? La volonté du métayer sera toujours la loi suprême, car il n’a rien, il n’offre aucune responsabilité ; c’est le cas d’appliquer le vieux dicton : « où il n’y a rien, le roi perd ses droits. » De la part