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toute l’année sur leur domaine, mais par de petits propriétaires, par des cultivateurs enrichis, surtout par d’anciens métayers qu’une circonstance quelconque, un héritage parfois, avait rendus maîtres de ce sol dont ils sont les plus âpres à tirer la dernière substance. Avec ceux-ci, point de tempérament, aucune de ces habitudes de protection qui pouvaient compenser jadis certaines prérogatives exceptionnelles de la propriété. On se trouve en face d’une exploitation aussi dure dans ses conséquences que simple dans ses procédés. C’est ainsi que dans les colonies, au temps de l’esclavage, les mulâtres et les affranchis passaient pour les maîtres les plus barbares et les plus redoutés. Les mauvaises tendances de la nature humaine, celles qui poussent à abuser des faibles, reparaissent donc inévitablement dans toutes les situations analogues. Ce n’est guère que depuis une vingtaine d’années qu’on a commencé d’effacer dans les contrats de métayage les clauses relatives à des charges arbitraires.

Il y reste toujours, en ce qui regarde la durée des baux, une condition qui n’est pas particulière au Périgord, qui a paru assez généralement jusqu’à ce jour tenir à l’essence du contrat, et dont les suites, quand on y regarde d’un peu près, semblent éminemment préjudiciables aux intérêts de l’agriculture. Le bail ne dure qu’un an ; on doit seulement s’avertir quelques mois à l’avance. Ces engagemens, qu’il est loisible de rompre chaque année, suffiraient seuls à empêcher tout effort soutenu de la part du métayer. On est par ces contrats virtuellement condamné à demeurer sous le joug des mêmes routines. Comment demander au cultivateur d’entreprendre la plus simple amélioration, quand il n’est pas sûr d’en pouvoir recueillir les fruits ? Conseiller à un métayer le plus élémentaire travail de nivellement ou de drainage par exemple, ce serait peine perdue, dès qu’il n’en devrait profiter que l’année suivante, c’est-à-dire à un moment où il n’est pas sûr d’occuper le même sol. Il peut arriver qu’il l’occupe encore, dira-t-on ; j’en conviens, et je veux admettre que cette hypothèse soit la plus probable. Peu importe, en face d’un lendemain entouré d’incertitudes, c’est toujours d’après la plus mauvaise éventualité que des esprits timides régleront leur conduite.

Avec le contrat annuel, un système de cultures améliorantes demandant plusieurs années se trouve interdit au cultivateur. Il en est de même de ces assolemens bien entendus où des plantes différentes se soutiennent les unes les autres, en ce sens que les dernières, tirant profit des dépenses antérieures, n’exigent presque point de nouveaux frais. Le lien est rompu, du moins en partie, d’une année à l’autre. En vain on se plaint dans le Périgord que les assolemens soient défectueux : de bonne foi, en peut-il être