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habitude, non par raisonnement. Vivre au jour le jour, achever une année sans avoir manqué des choses tout à fait indispensables ! en recommencer une autre avec la même disposition d’esprit, telle est la règle la plus commune. Aussi n’est-il pas surprenant de voir les habitations le plus souvent mal tenues. Sur vingt maisons de métayers, c’est à peine si on en distingue une parfois deux où se manifeste quelque goût de la propreté intérieure. On y chercherait en vain cette netteté, cet ordre, ce soin, qui, dans le nord et dans l’est de la France comme le long du cours de la Loire par exemple, prêtent un charme si réel aux moindres demeures champêtres.

Les ressources des cultivateurs se bornent strictement du reste à celles qu’ils tirent de leurs terres. Aucune espèce d’occupation accessoire, aucun genre de travail productif ne se joint à la culture du sol. On trouvait jadis dans les campagnes quelques tisseurs de toile ; cette débile industrie a dû tomber devant la concurrence des pays de grande production. Quelques femmes filent encore la laine à la quenouille en allant garder les bestiaux ; mais un si chétif appoint ne mérite pas d’entrer en ligne de compte. La seule addition un peu notable que peut recevoir le budget des familles vient de la mère, lorsqu’elle prend chez elle un nourrisson. Du chiffre de 3 à 4 fr. où elle était il n’y a pas encore très longtemps, la rétribution, mensuelle des nourrices s’est élevée à 20 ou 25 fr. Un tel appât est de nature à tenter le paysan, surtout dans un milieu où l’argent n’est pas commun. J’ai pu moi-même constater en plus d’une occasion que les regards se tournaient de ce côté-là.

Cette industrie, car malheureusement c’en est une, prendra sans doute en ce pays d’assez larges développemens. Grâce aux chemins de fer, les nourrices périgourdines pourront venir à Paris faire concurrence aux célèbres nourrices de la Bourgogne et de la Normandie. Avec l’habitude qu’elles ont de se marier extrêmement jeunes, les femmes de la vallée de la Dordogne auraient d’ailleurs une longue carrière devant elles. A peine en effet les filles ont-elles atteint l’âge légal de la nubilité qu’elles s’empressent de contracter mariage. Dans les villes comme dans les villages périgourdins, où, pour le dire en passant, le type féminin est remarquable d’élégance et de fraîcheur, rien de plus ordinaire que de rencontrer des jeunes femmes de seize ans portant déjà leur premier-né sur leurs bras. De leur côté, les garçons suivent d’assez près l’exemple des filles : ils se mettent en ménage aussitôt qu’ils sont libres, c’est-à-dire dès qu’ils ont satisfait à la loi du recrutement. Cet usage s’accorde avec l’intérêt évident d’une population agricole, le cultivateur ne pouvant jamais trop tôt recevoir l’aide de ses enfans dans son rude travail. C’est assez dire, en ce temps où la question du recrutement inquiète nos campagnes, que l’intérêt de l’agriculture s’élève