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l’ignore : les égouts s’emplissent jusqu’à la voûte, les rues sont transformées en rivières et les boutiques ont peine, en certains quartiers, à se garantir de l’inondation. On a voulu que le nouveau drainage pût prévenir de si graves inconvéniens, et comme les collecteurs, si larges qu’on les a faits, ne sauraient suffire à débiter les torrens d’eau pluviale que chaque galerie secondaire lui amène, on a pris soin de ménager entre les égouts et la Seine des canaux de communication accessoires, qui sont clos en temps ordinaire et ne s’ouvrent que pour livrer passage au produit des pluies exceptionnelles.

Tant en galeries étroites qu’en larges collecteurs, le réseau, souterrain de Paris, lorsqu’il sera complet, n’aura pas moins de 600 kilomètres d’étendue, ce qui est à peu près la longueur totale des rues, boulevards et autres voies publiques. Les anciens égouts sont ramenés au type définitif, à mesure que l’on a l’occasion de les reconstruire ou de les réparer. Tous ces canaux, revêtus de ciment à surface lisse et brillante, laissent glisser les liquides sans retenir aucune ordure. Les eaux impures s’écoulent avec une vitesse calculée de façon à ne pas abandonner en route les immondices qu’elles entraînent. Des dispositions ingénieuses permettent d’opérer le curage du chenal, sans que les passans qui circulent dans les rues s’aperçoivent des opérations répugnantes accomplies sous leurs pas. Enfin, tout ce qui contribue à maintenir la propreté de cette seconde ville souterraine a si bien été compris, que les bouches ouvertes sur la voie publique ne dégagent plus nulle odeur nauséabonde.

Il faut bien dire qu’un si grand résultat ne s’obtient qu’au prix de dépenses considérables. Le drainage de Paris aura coûté de 30 à 40 millions de francs, dont environ moitié payé par le budget de la ville, le reste étant à la charge des propriétaires que l’œuvre intéresse. Si nous rapportons ce chiffre, ce n’est pas toutefois avec l’intention de décrier une entreprise qui profite plus que toute autre à la population ; seulement on comprendra que peu de villes en France et même en Europe aient le pouvoir de pratiquer, au même degré le nettoyage et l’égouttement de ses voies publiques. M. de Freycinet le déclare avec raison, « dans cette canalisation de Paris, tout est exception, ou, pour mieux dire, tout est un modèle que les autres villes ne peuvent songer qu’à imiter de loin. »

Après avoir accordé de justes éloges tant au plan qu’à l’exécution de ces immenses travaux, on doit néanmoins observer qu’il y existe encore une lacune importante, puisque les immondices qu’évacue l’émissaire principal tombent dans la Seine, qui en est infectée, et sont soustraites à l’agriculture, qui en saurait profiter. Le programme posé par l’école anglaise n’a été réalisé qu’à moitié. Des documens officiels, une récente discussion du sénat, ont fait connaître que la