Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/576

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bièvre, dont les eaux corrompues par les résidus des tanneries donnaient lieu à des plaintes justifiées, fut élargie, redressée et couverte en partie ; mais ces divers travaux manquaient d’unité, faute d’être exécutés d’après un plan général arrêté d’avance, et ne s’accordaient pas toujours entre eux. Dès le début du règne actuel, la question du drainage parisien fut envisagée d’un point de vue plus élevé et résolue avec une ampleur magistrale. On aimera peut-être à savoir en quoi consiste cette entreprise gigantesque, aujourd’hui presque terminée, à laquelle la canalisation de l’ancienne Rome mérite seule d’être comparée[1].

Il n’est pas facile d’apprécier du regard le relief du sol de Paris, car les édifices en masquent les ondulations. Essayons toutefois d’en donner une idée sommaire. La Seine occupe le fond de la vallée, ce que les topographes désignent sous le nom de thalweg, chemin du ruisseau ; à droite et à gauche, le terrain se relève, mais non pas avec une pente uniforme. Sur la rive gauche, on distingue trois vallons secondaires, dont le plus important, qui est le plus occidental, se prolonge au loin et donne passage à la petite rivière de Bièvre. Ces vallons sont séparés l’un de l’autre par la montagne Sainte-Geneviève, et par une colline assez basse que domine l’église Saint-Germain-des-Prés. Sur la rive droite, entre les hauteurs de Montmartre et de Beaujon au nord, les buttes Bonne-Nouvelle et des Moulins au midi, s’étend une longue et étroite vallée dont le fond était occupé jadis par le ruisseau de Ménilmontant, transformé depuis en égout ; cette vallée latérale à celle de la Seine, vient rejoindre cette dernière au pied de Chaillot. Quant au versant des collines qui regarde le fleuve, des exhaussemens de terrain, naturels ou artificiels, en rendent la surface assez accidentée, et isolent en amont une sorte de plaine, autrefois marécageuse, à laquelle la tradition a conservé le nom de Marais. Que l’on se rappelle maintenant que les eaux d’égout doivent s’écouler sur une pente à peu près uniforme, que l’on fasse encore attention que le débouché en Seine devait être proscrit, si ce n’est pour les eaux pluviales, afin de préserver la pureté du fleuve, et l’on se rendra compte des difficultés que présentait le drainage de la capitale.

Prenons les eaux ménagères à leur origine, et nous les suivrons jusqu’à l’extrémité du réseau souterrain. En vertu du décret du 26 mars 1852 sur la grande voirie de Paris, toutes les maisons doivent être disposées de façon à rejeter dans l’égout, par une issue directe, les eaux pluviales et ménagères. Cette prescription si sage n’a pas reçu une application générale, tant il est difficile

  1. Voyez les mémoires présentés par le préfet de la Seine au conseil municipal de Paris, le 4 août 1854 et le 16 juillet 1858.