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la Flandre, les cultures industrielles doivent à cette alimentation énergique une grosse part de prospérité, et des contrées couvertes autrefois de landes et de tourbes ont été transformées en terres fertiles par l’engrais flamand ; mais le côté économique de la question ne doit après tout que nous être secondaire, puisque l’hygiène n’en profite point. L’inconvénient capital subsistant, c’est à d’autres moyens qu’il faut avoir recours ; c’est encore ailleurs qu’il convient de chercher des exemples.

Il est à peine besoin de dire que la propreté des rues, aussi bien que celle des maisons et de toutes les dépendances des habitations, est encore un élément essentiel de la salubrité. L’édilité doit considérer ce soin comme un de ses principaux devoirs, mais elle est bien impuissante, si les mœurs ne la secondent pas. Les débris domestiques sont pour la vie municipale ce que les résidus impurs des fabriques sont pour la vie industrielle, un embarras et une plaie. Les petites villes offrent presque toutes à cet égard un triste spectacle. La ville de Paris, dont les hygiénistes se plaisent sous bien des rapports à invoquer les règlemens de voirie comme un modèle à imiter, tolère des abus qui ont été réprimés ailleurs depuis longtemps. Les ordures ménagères y restent en dépôt sur le pavé de la rue plusieurs heures avant d’être enlevées ; les passans les foulent aux pieds, les voitures les écrasent et les dispersent. Les tombereaux qui recueillent ces débris sans nom circulent sur la voie publique à un moment de la journée où les suintemens qui s’en échappent et les émanations qui s’en exhalent ne sauraient passer inaperçus ; c’est entre sept et neuf heures du matin. Qui n’a été frappé dans une promenade matinale de l’aspect sordide que pressentent les chaussées de la capitale à l’heure où s’en effectue la toilette quotidienne ? Bordeaux, Lyon et d’autres cités de province sont mieux traitées, car les débris domestiques, transportés directement de chaque maison à la voiture qui les emporte, ne souillent pas un seul instant le pavé de la rue. La tolérance que l’administration municipale de Paris montre à cette occasion est motivée, — le croirait-on ? — sur l’intérêt qu’inspire une des petites industries du ruisseau, le chiffonnage. Près de sept mille individus n’ont d’autre moyen d’existence que d’explorer, le crochet à la main, les humbles rebuts de la population parisienne : 10,000 francs par jour, 3 millions 4/2 par an, telle est la moisson incroyable que les chiffonniers récoltent dans leurs expéditions nocturnes, butin immonde dont s’alimentent des fabriques de papier, de carton et de noir animal. Quelque inconvénient qu’il y ait à souffrir les usages actuels, on a pensé qu’il serait inhumain d’enlever à cette armée de pauvres travailleurs son gagne-pain de chaque nuit. Cette bizarre industrie est au reste condamnée à disparaître à mesure que