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fortifications, au milieu de plaines sèches, pierreuses, presque stériles et désertes, par conséquent de médiocre valeur[1]. Toutes les cités de quelque importance sentiront tôt ou tard la nécessité d’adopter la même solution ; mais il serait téméraire de combiner cet inévitable déplacement avec d’autres projets de voirie municipale et d’envisager à l’avance le sol des cimetières comme un futur terrain à bâtir. L’hygiène, non moins que la piété, commande que cette terre qui a vécu soit respectée longtemps, bien longtemps après, que les portes de l’enceinte en ont été irrévocablement closes.

Lorsqu’on aborde l’importante question de l’assainissement des villes, on ne saurait passer sous silence la plus abjecte des causes d’infection qui y pullulent. Au sein des grandes agglomérations du nord de la France, les déjections humaines sont recueillies dans des citernes étanches qui ne doivent rien abandonner au sol environnant ; c’est là ce qu’on a trouvé de mieux, et cependant il faut bien avouer, que c’est un procédé barbare que de créer au-dessous d’une maison un foyer de pestilence sans cesse en activité. Ces réceptacles fétides laissent souvent filtrer leur contenu et en empoisonnent les nappes d’eau environnantes ; à Rouen, l’eau de beaucoup de puits est devenue par ce motif impropre à la boisson et a contracté une senteur caractéristique. Ailleurs, surtout dans les pays chauds, l’état des choses est pire encore. Les matières stercorales sont entassées dans les cours ou versées dans les ruisseaux des rues, en sorte qu’elles corrompent à la fois l’air, le sol et l’eau. Si peu que l’on ait visité certains départemens du midi, on aura eu le spectacle immonde des cloaques impurs qu’une population imprévoyante fomente à ses côtés[2]. L’odorat, sens capricieux, quoique délicat, s’y accoutume peut-être ; mais la santé éprouve tôt ou tard la triste influence des exhalaisons qui s’en échappent.

Ne craignons pas d’approfondir le sujet, et d’abord voyons par le détail ce qui se passe à Paris. Chaque nuit, deux cents voitures parcourent les rues de la ville, non moins désagréables par le bruit qu’elles produisent que par les odeurs quelles laissent sur leur passage. Les brigades d’ouvriers qui les accompagnent, on en redoute jusqu’à l’approche, quelque honnêtes que soient ces rudes travailleurs ; si vite que l’on passe devant eux, on voit cependant le résultat de leurs opérations. D’un côté, ce sont des liquides impurs, presque inodores et considérés bien à tort comme inoffensifs, que le ruisseau reçoit et conduit à l’égout le plus proche ; de l’autre, ce

  1. Voyez à ce sujet les intéressantes discussions du sénat pendant les séances du 2 et du 5 avril.
  2. La petite ville de la Seyne, près de Toulon, si cruellement décimée par le choléra en 1865, était sous ce rapport dans des conditions hygiéniques que l’on n’oserait décrire.