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les morts dans les cimetières qui entourent les églises et même à l’intérieur des édifices du culte. Quoique la législation actuelle s’efforce de réagir contre cette coutume funeste, les droits acquis et les mœurs ont mis obstacle à une réforme radicale dont l’utilité n’est plus contestée par personne. Tout l’espace libre sous le sol des églises a été consacré pendant des siècles à recevoir les cadavres. Certains caveaux regorgent de matières corrompues, et tout le long des édifices sacrés se trouvent des tombeaux remplis de restes humains. La seule séparation entre les morts et les vivans est une mince dalle de pierre et quelques pouces de terre. C’est insuffisant : aussi les produits gazeux de la décomposition se répandent dans l’atmosphère des églises au grand préjudice des assistans. Les cimetières situés à l’intérieur des villes ne sont pas moins malsains, car des enquêtes officielles ont démontré que les épidémies cholériques de 1849 et de 1854 ont sévi avec une gravité exceptionnelle dans les quartiers qui entourent ces nécropoles. Les Anglais ont d’autant plus raison de redouter l’infection due à ce voisinage que leurs cimetières urbains sont pour la plupart ouverts depuis un temps immémorial. Les dépouilles que les générations successives y ont entassées ont si bien transformé la nature du terrain, que le sol, saturé de débris, se refuse à décomposer de nouveaux cadavres. On évalue que les cimetières de la Cité de Londres ont absorbé 48,000 tonnes de débris humains. Que d’années, que de siècles même, pourrions-nous dire, ne faudra-t-il pas pour transformer cette grande masse de pourriture en une poussière inerte ! Jusqu’à ce que le temps ait achevé son travail de décomposition lente, on ne saurait toucher à ces terrains sans encourir le risque d’engendrer une épidémie.

La situation n’est nulle part aussi grave en notre pays. Toutefois, si les grandes villes se sont conformées aux obligations étroites que la loi française impose dans un intérêt d’hygiène, il reste encore nombre de petites localités où le lieu du dernier repos est trop rapproché des habitations, ou assis sur un terrain de mauvaise nature, trop humide par exemple, ce qui retarde et arrête même quelquefois la décomposition. Sans recourir à un déplacement qui est toujours et à tous égards une mesure d’une extrême gravité, on a essayé avec succès d’améliorer la nature du terrain au moyen d’un drainage souterrain, mode d’assainissement dont on verra bientôt d’autres applications à la salubrité publique. Néanmoins il faut poser en principe que les cimetières doivent être abandonnés après un certain temps ; la terre a besoin de repos. On s’est conformé aux principes essentiels de la science lorsqu’on a conçu l’idée de transférer les cimetières de Paris à une grande distance du glacis des