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et lui ouvrir un nouveau canal. Les teintureries rendent des liquides de couleur foncée qui sont souvent chargés de matières toxiques et engendrent des accidens d’une extrême gravité. Dans le département du Nord, que l’on cite volontiers lorsqu’il s’agit des progrès de l’hygiène industrielle, ces usines ont été contraintes de clarifier leurs eaux avant de les rendre à la circulation. On a forcé les chefs de fabrique à laisser reposer leurs liquides résiduaires en d’immenses bassins étanches où, mélangés avec divers réactifs chimiques, ils abandonnent la plus forte part des principes nuisibles qu’ils contiennent. Ce fut à l’origine une lourde charge pour les fabricans ; mais ils en firent sortir un résultat inespéré. Ces résidus eux-mêmes, soumis à de nouvelles opérations, rendirent sous forme utile les matières qui avaient été jusqu’alors entraînées en pure perte. Ce fut une confirmation nouvelle de cette loi générale que les manipulations chimiques sont d’autant plus parfaites qu’elles abandonnent moins de résidus inutiles. On doit donc avoir une confiance complète dans le perfectionnement graduel des industries de ce genre, puisque tout progrès sanitaire se résout pour elles en un progrès économique. La preuve en devient évidente, si l’on examine l’état actuel des fabriques insalubres. Toutes celles qui ont été créées depuis peu d’années et qui fonctionnent sur une grande échelle exercent sur le voisinage une influence moins délétère que les ateliers plus petits ou plus anciens et moins bien installés dans lesquels les découvertes de la science moderne ne reçoivent qu’une application tardive et imparfaite. C’est ce que nous avons aussi remarqué plus haut en parlant de la salubrité intérieure.

Il est triste de constater que les villes ne sont pas seules soumises à ces germes d’infection, et que les campagnes, où l’industrie n’apparaît que sous une forme plus modeste, sont sujettes aux mêmes inconvéniens. Les distilleries, qui se multiplient sur toute l’étendue du territoire, rejettent des liquides chargés de matières organiques, par conséquent putrescibles, à moins qu’elles ne se bornent à employer des procédés purement agricoles. Et qui ignore les ravages que cause en certains pays le rouissage du lin et du chanvre ? Le bétail même en est quelquefois incommodé. Au lieu de renouveler à de fréquens intervalles l’eau des étangs où la plante textile se désorganise, le paysan la laisse se putréfier indéfiniment, persuadé que le rouissage s’opère mieux et plus vite dans un liquide déjà corrompu. De là les fièvres paludéennes qui sévissent dans les pays adonnés à cette petite industrie rurale. Bien des méthodes nouvelles ont été proposées pour rendre l’opération moins malsaine, tout en diminuant la durée du temps qu’elle exige. Par malheur l’expérience a fait voir que les procédés basés sur l’emploi de réactifs chimiques, plus expéditifs que le rouissage ordinaire et