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nous que dans les provinces essentiellement industrielles de la Belgique, quoique l’on ne puisse citer aucun canton de notre pays qui ait été dévasté, désolé, privé d’arbres et de verdure, comme certains districts de l’Angleterre, par les gaz acides des usines, il n’en serait pas moins utile d’enrayer le mal avant qu’il n’ait eu le temps de s’étendre. Déjà les conseils d’hygiène de plusieurs départemens ont appelé le contrôle de l’état sur les établissemens insalubres dont une surveillance active et éclairée réprimerait les inévitables abus[1].

On nous permettra d’insister sur ce sujet, qui met en conflit deux intérêts très graves : d’une part, celui du public gêné, souvent même lésé dans la jouissance de l’air qu’il respire, de l’eau dont il fait usager d’autre part, celui de l’industrie, qu’une entrave maladroite risquerait de compromettre. Donner satisfaction à des plaintes légitimes sans toutefois nuire à l’exercice d’une profession utile, cela ne peut être réalisé qu’à la condition de savoir au juste quelles restrictions l’industrie peut supporter et quelles mesures remédieront aux inconvéniens signalés. Or c’est ce que l’on ignore presque toujours. Lorsque les conseils d’hygiène, dont il serait vain de contester les lumières et la compétence, se mettent à édicter des prescriptions préventives et imposent à une usine le mode d’assainissement qu’elle doit mettre en œuvre ou un procédé de fabrication dont elle n’a pas droit de s’écarter, ces conseils, ferment la voie à toute amélioration intelligente, et s’exposent à manquer le but qu’ils poursuivent. On en a vu plus d’un exemple. Ainsi le conseil supérieur d’hygiène à Bruxelles, à propos des réclamations suscitées par une fabrique d’huile de résine, déclara que les plaintes étaient fondées, mais que, l’industriel s’étant conformé aux conditions qui lui avaient été imposées lors de son établissement, il était impossible de le soumettre à de nouvelles obligations. Il serait sage en tout cas de se réserver le droit de remédier au mal après qu’il est constaté, plutôt que d’avoir la prétention de le prévenir. On simplifierait aussi par ce mode d’agir la réglementation abusive dont l’industrie ressent déjà trop vivement le poids. C’est au reste ce qu’un décret récent a déjà fait pour les appareils à vapeur. Écarter l’intervention administrative dans les formalités préalables, la rendre au contraire plus vigilante par la suite, telles sont les réformes que des hommes éclairés conseillent au gouvernement d’introduire dans le régime légal des établissemens industriels.

Les longues traînées de fumée noire et infecte que les foyers

  1. Le conseil d’hygiène de l’Hérault constatait en 1859 que, sur 1,931 établissemens créés sous le régime de la législation actuelle, 1,342 fonctionnaient sans autorisation préalable, et que, sur 589 usines pourvues d’autorisation, 413 éludaient les conditions qui leur avaient été imposées.