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qu’il a gagné le cordon bleu de la politique. Au milieu des travaux diplomatiques et législatifs du cabinet, les tentatives de manifestations populaires ont été renouvelées par les chefs de la ligue de la réforme. Grâce à la discipline à laquelle les classes populaires se forment de bonne heure en Angleterre dans les vastes associations, la dernière manifestation réformiste de Hyde-Park n’a donné lieu à aucun des désordres qu’on avait paru redouter un instant. Les chefs de la ligue, en s’emparant avec des milliers d’hommes, des parcs de Londres pour y débiter leurs harangues, dépassent un peu la mesure, et précisément pour cela l’opinion générale, qui en Angleterre est juste et sagace, voit d’assez mauvais œil leur bruyante entreprise. Le droit de réunion n’est contesté aux ligueurs réformistes ni par le gouvernement ni par aucun parti ; mais l’opinion publique est choquée de les voir à certains jours accaparer Hyde-Park et enlever ainsi à la population tranquille la jouissance d’un lieu de promenade et de plaisir ; Il y a là l’empiétement arbitraire d’un parti sur les convenances, et jusqu’à un certain point sur les droits de la population paisible d’une ville. les meetings de Hyde-Park n’ont donc point servi à la propagande de la ligue de la réforme. Cependant tel est en Angleterre le respect de la loi que le gouvernement ne s’est point crû autorisé, même au nom d’un intérêt d’ordre public, à interdire l’entrée du parc à la manifestation populaire. Les légistes conseillers de la couronne, parmi lesquels figurait lord Cairns, ont déclaré avec franchise qu’ils ne connaissaient aucune loi au nom de laquelle le gouvernement pût s’opposer à la manifestation et poursuivre les auteurs de l’invasion organisée de Hyde-Park. Pour retirer à la ligue de la réforme, non certes le droit de réunion, — personne n’y songe — mais la faculté de faire des irruptions en masse dans les parcs, il faudrait une loi. Que dire de cette libéralité de mœurs publiques, quand on songe à notre projet de loi sur le droit de réunion, dont l’exercice ne sera permis que dans des endroits clos, avec la présence d’un magistrat chargé de contrôler la discussion et au besoin de dissoudre l’assemblée ? Voilà comme toujours l’on nous traite, voilà comme on nous élève à l’école de l’autorité et du respect ! On dirait que nous ne sortons jamais du collège : le pion est toujours là. La politique romantique est la meilleure ; malheureusement ce n’est point la nôtre.

L’Italie serait en meilleure veine, si le plan financier de M. Ferrara confirmait la bonne impression que le résumé télégraphique en a donnée. Le nouveau ministre aurait fait son siège pour une première période allait jusqu’à la fin de1869 ; sur les biens du clergé, il aurait une première ressource facile à réaliser ; il pourrait prélever en outre sur ces biens une valeur de 450 millions tout en laissant au clergé le revenu d’une dotation encore splendide ; il pourrait enfin négocier ce gage de 450 millions à une combinaison de grandes maisons et d’établissemens de banque de Paris. M. Ferrara, avec ces ressources, comblerait les déficits jusqu’à la fin de 1869, et ramènerait prochainement l’Italie à la circulation métallique.