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trouvons, sur 10,000, 809 mariés en France, 819 en Angleterre, 191 célibataires en France, 181 en Angleterre.

Un fait de la plus haute importance ressort de ce rapprochement ; ce qui varie dans les deux pays par rapport au chiffre de la population, ce n’est pas le nombre des mariages, c’est surtout l’âge auquel on se marie. Quand nous comparons à la fécondité des mariages anglais l’inquiétante infécondité des nôtres, n’avons-nous pas le droit d’attribuer ce fait et ses périlleuses conséquences aux obstacles légaux que notre organisation militaire oppose à la précocité des unions ? Cette cause sans doute n’est pas la seule ; mais elle est la plus énergique, la plus incontestable et celle qu’il est le plus aisé et le plus urgent de faire disparaître.


III

Le système des armées permanentes a-t-il eu pour effet d’amener la dégénérescence de la race française ? Il est impossible de se prononcer à cet égard avec la rigueur qu’exige la science. Sans nul doute, on peut supposer qu’une loi de recrutement qui enlève chaque année et condamne à un célibat de sept ans au moins 80,000 ou 100,000 jeunes gens bien constitués, l’élite de la population, surtout au point de vue de la reproduction de l’espèce, qui ne laisse en pleine jouissance de ses droits naturels et civils qu’une partie de la jeunesse, et notamment la plus mal conformée et la plus débile, qui ne rend à la société la moitié des forces généreuses qu’elle lui a enlevées qu’après que ces forces ont été, pour un tiers au moins du contingent, viciées par des maladies contagieuses, — on peut supposer, dis-je, qu’une telle loi doit avoir pour effet d’amener peu à peu la dégénérescence de la race ; mais cette influence ne deviendrait sensible qu’après un assez long temps, et aujourd’hui l’on n’a pas d’élémens suffisans pour l’apprécier d’une manière rigoureuse. Aussi l’a-t-on contestée de la façon la plus absolue ; on a été jusqu’à parler de régénération, invoquant à l’appui de cette thèse optimiste les résultats mêmes du recrutement annuel et une certaine diminution progressive des non-valeurs dans chaque appel. La taille notamment se serait élevée. Cela est-il bien sérieux ? Tout homme qui directement ou indirectement a pris part aux travaux des conseils de révision sait parfaitement que l’on se montre d’autant moins difficile dans le choix des conscrits que le besoin d’hommes est plus grand ; c’est ainsi que, sur 100 individus examinés, 69 en 1853 et en 1854 ont été trouvés « bons pour le service. » Si l’on en inférait que l’aptitude de ces classes était plus