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serait d’environ 3 pour 100 ; mais si l’on considère que la perpétuité du célibat n’est une loi que dans l’église, que le soldat peut se marier à vingt-huit ans, tandis que le mariage reste interdit au prêtre, même par la loi civile ou du moins par la jurisprudence de la cour de cassation, il en résultera une plus grande différence par rapport au nombre négatif des naissances. Les 3 pour 100 du monachisme, prendraient à ce point de vue la valeur de 9 ou 10 pour 100 ; en d’autres termes, c’est comme si l’église, au lieu de prendre annuellement trois individus sur cent que prend l’armée, et de frapper ces trois individus d’une stérilité perpétuelle, en prenait annuellement dix, mais ne les condamnait, comme fait l’armée, qu’a une stérilité temporaire. Cela n’aggraverait que d’un dixième environ les inconvéniens du célibat militaire.

Le célibat militaire, qui a fait diminuer le nombre des naissances, n’a pas fait diminuer, comme om pourrait le croire le nombre des mariages. De 1821 à 1830, sur 10,000 habitans, on célébrait 781 mariages. Ce chiffre a subi peu de variations, et après avoir atteint 810 pendant la période quinquennale fermée en 1845 il est aujourd’hui de 801. Il s’est donc en définitive un peu élevé depuis la révolution de juillet. Or, si le nombre des mariages a augmenté et si en même temps, le nombre des naissances a diminué, qu’en conclure, sinon que les mariages ont été moins féconds ? D’où vient donc cette infécondité ? Elle s’explique assez naturellement par l’âge tardif où se sont formées les alliances. Plus jeune on entre en ménage, plus le ménage s’emplit de joyeux rejetons. Un homme qui se marie à vingt-huit ou trente ans aura toujours, on peut presque à coup sûr le prédire, une lignée moins nombreuse qu’un époux de vingt ans. Indépendamment des conditions physiologiques qui déjà pour lui ne sont plus exactement les mêmes, les conditions morales se sont modifiées aussi ; il a plus d’expérience, moins d’illusions, se fie moins à ses forces et moins à la fortune, s’inquiète du présent, surtout de l’avenir, se demande comment il élèvera son premier-né, et s’il vivra assez longtemps, pour mettre la mère et l’enfant à l’abri du besoin. La pauvreté et même l’aisance bornée ne sont pas toujours bonnes conseillères et parlent quelquefois comme Malthus, surtout dans l’âge mûr, et quand l’imagination commence à se refroidir avec les sens. Le nature, qui veut que l’homme, en se perpétuant, ait au moins l’espérance d’élever sa famille, n’a pas seulement donné à la jeunesse une fécondité que l’âge épuise ; elle lui a donné la confiance et les illusions que l’âge emporte. C’est pourquoi la loi militaire, en reculant de sept ans l’époque du mariage, a cent fois plus contribué que Malthus à la diminution du nombre des naissances. Les mariages tardifs