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lentement à voir doubler le chiffre de ses habitans. Du reste, avant de tirer de l’inégale répartition du nombre des enfans et des adultes une conclusion favorable pour l’avenir de la France, conclusion malheureusement fausse, nous venons de le démontrer, avant d’attribuer si témérairement cette inégalité inquiétante à cette circonstance toute conjecturale, que nous élèverions en France à l’état adulte un grand nombre d’enfans qui ailleurs n’auraient pas vécu jusque-là, il eût peut-être été sage de rechercher jusqu’à quel point les faits peuvent s’accorder avec cette consolante hypothèse. Est-il vrai que le nombre des enfans qui survivent à vingt ans soit plus considérable en France que dans tout autre pays ? C’est ce que nous avons voulu savoir, et l’Angleterre nous fournit encore les élémens de cet examen.

Ouvrons les tableaux officiels où le dénombrement de la population britannique nous est exposé par catégories d’âge. Les adultes de 20 à 30 ans nous représenteront assez exactement ce qui a survécu des enfans nés de 20 à 30 ans auparavant, et comme nous possédons pour chacune de ces époques antérieures le chiffre des naissances, on pourra aisément calculer combien de nouveau-nés sont devenus des hommes et par conséquent constater le degré de vitalité de cette partie de la population.

En 1861, il existait en Angleterre, y compris le pays de Galles, 3,398,657 individus âgés de 20 à 30 ans, et en France, à la même époque, il en existait 5,887,641, déduction faite de Nice et de la Savoie ; tous ces individus dataient donc de la période de 1831 à 1840. Or, si l’on recherche quel a été durant cette période, dans les contrées que nous comparons, le chiffre des nouveau-nés et qu’on rapproche ce chiffre de celui des adultes de 1861, on s’aperçoit que sur 1,000 nouveau-nés 857 auraient, en Angleterre, dépassé l’âge de 20 ans, tandis que la France n’a pu en élever au-dessus de cet âge que 608 ; mais il faut observer que l’Angleterre n’a d’autres registres d’état civil que les livres des paroisses où sont inscrits les baptêmes, de telle sorte que l’omission des enfans non baptisés augmenterait la proportion des survivans au-delà de la vérité. Si l’on rectifie le chiffre d’après les données mêmes du bureau de statistique d’Angleterre, on voit que la survivance à 60 ans est, comme en France, de 608 individus sur 1,000.

A la vérité, certains économistes ont prétendu que l’augmentation du nombre des naissances doit à la longue devenir une cause d’appauvrissement national, le territoire ne pouvant s’agrandir, et, dans son étendue bornée, alimenter une population toujours croissante. Ce n’est pas le moment d’approfondir ici une pareille thèse. Fausse partout, elle l’est particulièrement dans notre